Chroniques 2017 Un loup pour l’homme de Brigitte Giraud

Un roman aussi lucide que sensible : “Un loup pour l’homme” de Brigitte Giraud, aux éditions Flammarion le 23 août 2017.
 
Le pitch : Jeune couple amoureux, Lila et Antoine vont devenir parents. Alors qu’il devrait s’agir d’un heureux évènement, la nouvelle n’arrive cependant pas au bon moment, Antoine étant appelé à servir sous les drapeaux en Algérie. Mais Lila ne parvient pas à avorter et Antoine est envoyé au front. Ne souhaitant cependant pas tenir une arme, celui-ci obtient le poste d’infirmier et rencontre Oscar, un jeune caporal amputé d’une jambe durant les affrontements, et depuis lors devenu mutique…
 
C’est à l’occasion de la rentrée littéraire et d’une opération Masse Critique organisée par le site Babelio en partenariat avec les éditions Flammarion que j’ai été amenée à croiser la route de cette auteure que je ne connaissais pas, m’offrant ainsi l’opportunité de découvrir sa superbe plume avant de pouvoir prochainement la rencontrer, ce dont je tiens d’ailleurs à les remercier.
 
Dans ce roman, l’auteure opte pour une approche plutôt atypique afin de nous entraîner au coeur même de la guerre d’Algérie, un conflit qui me semble encore tabou aujourd’hui, un passé désormais révolu alors qu’il paraît encore si proche. Avec tout le talent qui est le sien, toute sa finesse et sa subtilité, l’auteure lève ainsi le voile et nous dévoile une vérité dans toute sa complexité… Celle d’une guerre qui ne voulait pas en être une, faite par des soldats qui ne comprenaient pas le sens de ce mot et n’avaient rien à faire là, qui ont connu la violence, la mort, l’horreur dans un décor paradisiaque. Confronté aux horreurs de la guerre comme s’il était l’un d’entre eux, le lecteur se laisse alors emporter et transporter par cette intrigue dont il ne sortira pas indemne, partagé qu’il est entre la dure réalité qu’ils vivent au quotidien, dont ils doivent s’accommoder chaque jour et celle qu’ils livrent à leurs proches, enjolivée pour les épargner et se protéger.
Et parce qu’elle dépeint si bien cette sinistre époque sans apporter le moindre jugement au profit de l’émotion et des sentiments, l’auteure nous délivre cette histoire au travers de trois incroyables portraits, ceux de nos principaux protagonistes, au milieu de toute une galerie de personnages secondaires aussi intéressants et importants pour le récit. Alors il y a bien sûr Antoine, le jeune appelé futur papa qui accepte sa mission mais refuse de prendre part aux combats, préférant devenir infirmier. Pour autant il sera en première ligne quand il s’agira d’être confronté aux drames de la guerre, à la mort, aux mutilations, aux blessures visibles et invisibles sans qu’il faille mettre les mots sur cette tragédie, et mettra dès lors toute son empathie au service des soins qu’il prodigue. Puis Oscar, ce malheureux soldat frappé de plein fouet par la guerre dans toute sa terrible violence, sans doute le symbole de toute une génération traumatisée, brisée par ce conflit, dont la jeunesse a été mutilée, volée par cette guerre. Et entre ces deux-là les liens qui se tissent seront d’une incroyable force, chacun devenant presque la raison d’être de l’autre, au point même d’en délaisser Lila. Car il y a aussi Lila, la touche d’amour et de féminité, celle qui bouleverse tout son monde en ayant le courage de rejoindre Antoine en Algérie tandis qu’elle porte leur enfant, là où tant d’autres ont préféré baisser les bras, renoncer et quitter leur compagnon, les abandonnant à leur triste sort désormais teinté de solitude.
La plume est belle, nerveuse, magnétique, le style est d’une efficacité à toute épreuve et d’une élégance sans faille, ce qui contribue à envoûter le lecteur pour un moment de lecture particulièrement fort et prenant. 
 
En bref, une impressionnante leçon d’Histoire qui se veut aussi une leçon d’amour, d’amitié, de vie et d’humanité.

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