Chronique d’un drame prévisible mais invisible : “Nos corps étrangers” de Carine Joaquim, paru ce 07 janvier 2021 à La Manufacture de Livres.
Le pitch : “Son avenir ne ressemblait en rien à la vie idyllique qu’il avait dépeinte à sa femme et à sa fille lorsqu’il avait évoqué, pour la première fois, la possibilité de déménager. Car c’était son idée à lui, la réparation qu’il proposait à Elisabeth pour effacer les fautes commises et repartir sur de nouvelles bases : une belle et grande maison, entourée d’un terrain verdoyant, avec une dépendance au fond du jardin qui servirait d’atelier à Élisabeth, le tout pour un prix très raisonnable. Elle s’était laissé séduire, ou elle avait fait semblant, mais ils avaient voulu y croire l’un et l’autre.” Lorsqu’Elisabeth et Stéphane quittent Paris pour s’installer en province avec leur fille Maëva, c’est pour offrir une chance à leur famille de démarrer une nouvelle vie, sereine, heureuse et épanouie… Mais peut-on seulement reconstruire quelque chose lorsque les fondations sont détruites ?
Mes petits Bookinautes adorés… Voilà longtemps que je n’ai pas éprouvé autant de difficultés à vous restituer mon avis sur une lecture que j’ai pourtant appréciée ! Parce qu’il est des livres qui vous bouleversent et vous terrassent sans crier gare et en moins de pages qu’il ne m’en faut pour vous l’écrire : Et ce roman en fait incontestablement partie…
Pourtant je connaissais le deal : L’autrice nous narre tout simplement ici l’histoire de la vie… Une vie banale et ordinaire… Donc un parcours d’obstacles plus ou moins difficiles à franchir, durant lequel chaque jour est une épreuve susceptible de s’achever sur une effusion de larmes… Reste à savoir si ce sont des larmes de joie ou de tristesse. Parce que c’est bien ça, la vie : Autant d’êtres sensibles et faillibles, autant de thématiques délicates et difficiles qu’il faut apprendre à conjuguer, bon gré mal gré.
Et c’est ainsi que Carine Joaquim nous porte, nous emporte et nous transporte dans le tourbillon d’une intrigue absolument ahurissante, sidérante et saisissante, mais pourtant pas si étrangère qu’on ne pourrait le penser… Parce qu’il n’est pas si étonnant de se reconnaître dans tel trait de caractère, tel comportement, telle émotion ou tel sentiment… Parce qu’il n’est pas si surprenant de se sentir concerné par tel sujet, tel évènement, telle question ou telle difficulté… Parce que l’autrice a su regarder là où l’on ne fait que voir. Parce que l’autrice a su capter et traduire ce qu’on ne prend même pas la peine d’intercepter. Alors oui, on se laisse happer par cette intrigue et ses personnages, on se laisse envahir par leurs émotions jusqu’au plus profond de notre âme pour le meilleur… Et pour le pire…
C’est donc un court roman que l’autrice nous livre ici, mais incroyablement dense et intense, servie par une plume fluide et élégante mais surtout d’une redoutable sensibilité, un style à la fois vif et délicat mais surtout d’une étonnante efficacité, qu’on lit sans pouvoir s’arrêter pour en ressortir aussi abasourdi qu’asphyxié. Parce que c’est bien ça, la vie.
En bref, je ne suis pas certaine d’avoir su chroniquer ce poignant roman sur les affres de la vie. Sans doute parce que les êtres humains et leurs relations sont bien trop complexes pour moi à décrypter. Mais pas pour Carine Joaquim. Lisez ce roman, vous comprendrez.