Je ne sais pas vous, mes Bookinautes chéris, mais moi j’ai l’impression que le temps me file entre les doigts ces temps-ci ! Je lui cours après sans arrêt, mais il est décidément plus rapide que moi, le bougre ! Toujours est-il que je poursuis du mieux que je peux mes folles tribulations livresques, notamment à l’occasion de la DreamBookGazette qui me permet de réaliser de belles interviews… Croisées s’il vous plaît !
The place to read, c’est une rubrique à travers laquelle deux auteurs vous parlent de leurs romans respectifs, lesquels présentent de légères ressemblances… Pour tellement plus de différences à découvrir à travers leurs propos et leurs chapitres !
Cette fois-ci j’ai la chance et le plaisir de recueillir les propos de Marlène Charine, autrice du roman “Léonie” paru cette année aux éditions Calmann Levy et Stéphane Schmucker, auteur de “L’ombre du funambule“, paru l’an dernier aux éditions Les nouveaux auteurs !
Je les remercie vivement d’avoir pris le temps de répondre à mes petites questions indiscrètes et vous laisse à présent découvrir leurs réponses… Bonne lecture !
NB : La lecture de cet article sera plus fluide et agréable en version PC.
Quelle autrice es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un livre à portée de main, ainsi qu’un grand amour pour les langues et les mots en général. J’ai commencé par écrire des nouvelles – un format que j’apprécie tout autant que le roman – dans divers genres de l’imaginaire, et un roman d’anticipation. Cette passion pour l’écriture a pris un nouveau tournant avec la sortie de mon premier thriller, « Tombent les anges », au printemps 2020 chez Calmann-Lévy. Le début d’une formidable aventure, riche en rencontres et en émotions.
Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 39 ans,
2 enfants et je suis enseignant en biochimie et biologie après avoir été chercheur en biologie moléculaire et génétique pendant 10 ans. La science est une vraie passion dans ma vie. Adolescent, je voulais devenir footballeur professionnel.
J’ai toujours aimé imaginer, créer et inventer des choses ou des histoires. Un « rêveur rigoureux ». J’écris par plaisir et par envie, sans prétention, et seulement quand une idée de scénario s’est construite dans ma tête. J’ai besoin de savoir où je vais avant de commencer à écrire. J’avance par phases, entre périodes d’écriture intense et périodes blanches. Je fonctionne aussi par défis personnels : « C’est parti, on va le faire ! ». Je suis amateur de BDs, de littérature noire et de polars même si je lis modérément.
« Léonie »… Un roman dans lequel il est notamment question d’une disparition : Pourquoi avoir choisi d’aborder cette thématique ?
Certains thèmes sont récurrents dans mes textes : la recherche d’identité, de sa place dans la société, mais aussi la culpabilité, les relations fraternelles ou l’enfermement. Avec mon précédent thriller « Inconditionnelles », je voulais voir jusqu’où une mère serait prête à aller pour protéger ou venger son enfant. Pour « Léonie », c’est la thématique de la liberté qui m’a inspirée. Plus précisément, je me suis intéressée à comment composer avec une liberté restreinte, puis comment la réapprivoiser, si on a la chance de la retrouver.
“L’ombre du Funambule”… Un roman dans lequel il est notamment question d’une disparition : Pourquoi avoir choisi d’aborder cette thématique ?
Je suis de nature plutôt angoissée. J’ai la chance d’être papa et avec ce rôle est venu tout un tas de questionnements. Pour raison professionnelle, j’ai dû être, pendant quelque temps, éloigné de mes enfants. Même si ce n’est absolument pas comparable à la situation décrite dans le roman, le manque que j’ai pu ressentir a nourri l’aspect psychologique du roman. Décrire et explorer ce lien parent-enfant me tient à cœur. J’avais besoin aussi d’aborder la gestion du deuil.
Une thématique que tu abordes de manière assez originale et inédite : D’où t’es venue cette idée ? Peux-tu nous conter la genèse de ce récit ?
Léonie a fait irruption dans mon imaginaire alors que je venais d’éteindre la radio après les nouvelles. Comme chaque jour en ce mois de mars 2021, on y avait beaucoup parlé de restrictions de liberté. L’image de cette jeune femme, incapable de se réapproprier la liberté qu’on lui avait volée, s’est imposée dans mon esprit, et le reste du scénario s’est construit à partir de là.
Une thématique que tu abordes de manière assez originale et inédite : D’où t’es venue cette idée ? Peux-tu nous conter la genèse de ce récit ?
L’idée de départ est simple, une situation banale du quotidien qui dégénère. Un parent est seul avec son enfant dans son appartement. Il décide de prendre une douche et lorsqu’il en sort, son enfant n’est plus là. Tout est parti de là. Puis je ne sais pas pourquoi, le titre du roman « L’ombre du funambule » m’est venu dès le départ et je m’y suis attaché. Il est devenu, en quelque sorte, le fil conducteur de l’histoire. Une longue phase de maturation a été nécessaire avant de réussir à me lancer dans l’écriture.
Non contente de nous proposer une intrigue fort bien pensée et particulièrement bien ficelée, tu as choisi d’y entremêler les récits : Pourquoi avoir choisi de corser l’exercice ?
Les personnages sont au centre de tous mes textes, qu’ils soient courts ou longs. Je ne commence jamais à rédiger avant de bien les connaître, de tout savoir sur leurs passés, leurs rêves et leurs aspirations. Dans « Léonie », les histoires de Léonie et Diane sont liées depuis longtemps, puisque leurs destins ont basculé le même jour. L’alternance entre leurs deux voix a donc été naturelle, et celles de Loïc et Jonas sont venues s’y ajouter de manière spontanée. L’effet de roman choral, un peu comme dans le film « Babel » me plaît beaucoup. Chaque personnage apporte sa contribution à l’édifice, pierre après pierre.
Non content de nous proposer une intrigue fort bien pensée et particulièrement bien ficelée, tu as choisi d’y entremêler les récits : Pourquoi avoir choisi de corser l’exercice ?
J’aime beaucoup les livres ou les films où l’histoire mélange les points de vue. C’est un moyen de distiller les informations au compte-goutte. Pour le début de l’écriture, j’ai écrit les différentes parties de l’histoire de manière indépendante et séparées les unes des autres, chacune en un bloc, tout en ayant déjà l’idée que j’allais les fragmenter et imbriquer les morceaux par la suite. J’aime essayer de jouer sur « l’ambiguïté » (plus que sur les fausses pistes) et trouver des astuces pour tenter de l’entretenir. Certains auteurs ont cette magie de réussir à maintenir le rythme simplement par leur style. Entremêler les récits m’a probablement permis de pallier cette lacune en permettant de maintenir le lecteur en haleine par un découpage moins linéaire. Cela m’a aussi permis d’aborder la vie de mes personnages à des époques différentes, en donnant au fur et à mesure les faits marquants de leur vécu.
A travers ce roman, tu révises habilement les codes du thriller psychologique : Était-ce prémédité ?
Nous avons tous de nombreuses facettes, des côtés plus sombres ou plus brillants. Cette richesse existe aussi dans chaque personnage, et c’est ce que j’essaie de décortiquer lorsque je fais connaissance avec eux. Avec un soin tout particulier pour la psychologie de chacun. Pour ce roman, je me suis entre autres documentée sur le « syndrome de la cabane » qui a touché beaucoup de monde après le premier confinement. Il se traduit en une peur panique de sortir d’un lieu où l’on se sent en sécurité, de retrouver l’extérieur où tout est synonyme de danger. Plutôt que de m’attarder sur ce que subit Léonie au cours de ses six années de séquestration, j’ai préféré voir ce qui allait se passer pour elle une fois libre, mais en conflit entre ce syndrome et son envie de retrouver sa vie d’avant.
A travers ce roman, tu révises habilement les codes du thriller psychologique : Était-ce prémédité ?
Je ne pense pas avoir su réviser les codes, je n’en ai pas les moyens… ni le génie nécessaire d’ailleurs… Ce que je peux dire, c’est que je ne me suis pas inspiré d’autres histoires lues ou vues, je ne me suis pas mis de contraintes, en me disant : « il faut écrire ça ou écrire comme ça parce que c’est comme ça qu’il faut faire dans un polar ». J’ai fait ce que j’avais envie de faire, ce qui explique sans doute certaines maladresses de mon texte. Donc non, pas de préméditation à réviser les codes d’autant plus que j’admets aisément ma méconnaissance des codes littéraires du thriller psychologique.
Un thriller psychologique mené de main de maître par une poignée de personnages fort bien campés : Peux-tu faire les présentations ?
Avec plaisir ! Commençons par Léonie : elle avait 19 ans lorsqu’elle a été enlevée à la sortie d’une boîte de nuit par un quinquagénaire charmant et follement amoureux d’elle, mais qui l’a séquestrée pendant presque six ans. Une captivité aux petits oignons, mais très éloignée de sa notion de liberté… Pourtant, le jour où enfin elle pourrait s’enfuir, elle en est incapable, toujours sous l’emprise mentale de son tortionnaire.
Viennent ensuite Diane et Loïc, qui sont frère et sœur et difficilement dissociables. La première est vétérinaire et travaille dans un parc zoologique, le deuxième était flic. Discrète, douce et dévouée, Diane prend soin de Loïc depuis toujours, mais plus particulièrement depuis un accident de parapente qui l’a laissé partiellement paralysé et incapable de parler. Un accident qui a eu lieu six ans auparavant, alors que l’équipe de Loïc venait d’être appelée pour enquêter sur la disparition de Léonie… D’ailleurs, pour motiver son frère et lui donner un sentiment d’utilité, Diane lui lit d’anciens dossiers de police, dont celui de Léonie.
Si Léonie est prisonnière de la maison de son kidnappeur, Loïc l’est dans son propre corps. Leurs trajectoires vont se rapprocher peu à peu, se frôler, avant d’entrer en collision.
Un thriller psychologique mené de main de maître par une poignée de personnages fort bien campés : Peux-tu faire les présentations ?
Joachim est un père en deuil dévasté par la perte de sa fille Romane. C’est un homme extrêmement brillant, chercheur réputé en neurobiologie qui dissimule son mal-être. Son caractère est bizarrement à la fois réfléchi et impulsif, manquant de tact, parfois même d’empathie. Il a eu deux grandes histoires d’amour dans sa vie avec Justine et Liliane, auxquelles s’ajoute un amour infini pour sa petite fille.
Justine était la mère de Romane et était la femme de Joachim. Elle n’a jamais réussi à faire le deuil de sa fille. Avant, elle était taquine, volubile et solaire. Elle reste une femme déterminée et pragmatique.
Liliane a une personnalité complexe. Peut-on la comprendre au vu de ce qu’elle a vécu ?
Le lieutenant Breuil est un policier consciencieux, minutieux et intuitif. Atypique sur certains aspects. Son vécu et ses fêlures lui font aborder les choses différemment.
Romane, une petite fille de 7 ans, qui n’est plus là…
Être lauréate notamment du Prix du Polar Romand et du Prix Découverte du Salon Iris Noir Bruxelles ne met-il pas une certaine pression au moment de reprendre la plume ?
Plus qu’une pression, c’est une source de motivation supplémentaire. Ces prix, tout comme les retours de lecteurs, sont de très belles marques de reconnaissance. Savoir que ses personnages ont su toucher les lecteurs, qu’ils continuent à vivre dans leurs imaginaires, c’est la plus belle chose qui puisse arriver à un auteur.
Être coup de cœur du Jury du Prix du Suspense Psychologique ne met-il pas une certaine pression au moment de reprendre la plume ?
C’est un sentiment ambivalent. D’un côté, je ne me mets aucune pression, car j’écris par plaisir, avec mes défauts, en prenant mon temps et seulement si je pense que mon histoire a du potentiel. D’un autre côté, j’essaie de me persuader que si j’ai eu cette marque de reconnaissance, c’est que peut-être mon roman l’a méritée et que je dois donc être capable d’écrire mon deuxième roman ! Merci à ma maison d’édition d’avoir donné cette considération à mon texte.
Un thriller au dénouement assez inattendu : L’avais-tu déjà en tête en te lançant dans l’écriture de ce roman ?
On catégorise parfois les auteurs entre les « architectes », qui planifient tout chapitre par chapitre, et les « jardiniers » qui plantent des graines d’idées et attendent de voir ce qui germera. Je me situe un peu entre les deux, une jardinière paysagiste avec un schéma esquissé au crayon du début à la fin, mais qui comporte suffisamment d’espaces pour accueillir quelques bourgeons inattendus.
Un thriller au dénouement assez inattendu : L’avais-tu déjà en tête en te lançant dans l’écriture de ce roman ?
Oui. J’ai besoin de savoir où je vais. Le scénario était construit à 80 % au moment où je me suis lancé dans l’écriture. Il parait que cela vient de mon côté scientifique ! Les scènes finales sont parmi les premières qui ont été imaginées et écrites.
Et maintenant : Où et avec qui comptes-tu nous emmener pour ta prochaine intrigue ? Quels sont tes projets littéraires ?
J’ai en permanence deux ou trois projets qui me trottent dans la tête et j’aime explorer de nouvelles pistes, de nouvelles atmosphères. Là, après être restée enfermée aussi longtemps avec Léonie, j’ai envie de grand air et de voyages… Il est encore un peu tôt pour en révéler plus, mais j’espère parvenir à nouveau à surprendre mes lecteurs !
Et maintenant : Où et avec qui comptes-tu nous emmener pour ta prochaine intrigue ? Quels sont tes projets littéraires ?
J’ai commencé l’écriture d’un second polar/thriller psychologique. On verra bien ! Certains thèmes qui me sont chers y seront abordés à nouveau comme le lien parent-enfant, mais aussi ce que l’on est prêt à faire par amour. J’aime bien l’idée de reprendre certains ingrédients, mais de réussir à en faire une recette au goût totalement différent. Je souhaite bien entendu explorer d’autres sujets. Il sera question des rumeurs et de leurs conséquences sur la vie des personnes concernées. J’ai envie que la science prenne une part plus importante que dans mon premier roman en étant un peu plus centrale dans l’intrigue. Je travaille aussi à l’exploration d’un handicap que j’espère réussir à faire ressentir au travers d’une écriture immersive. Ce qui me fait tout drôle, c’est que le processus de création est le même, une idée simple puis le choix d’un titre qui devient le chemin à suivre…
L’un des personnages principaux sera le lieutenant Breuil, mais dans un rôle très différent de celui du premier roman puisque son histoire personnelle, laissée en retrait dans « L’ombre du funambule », sera au cœur du roman. Pour les autres projets, ce sera seulement si mon deuxième roman est apprécié que je me sentirai légitime à continuer…