The place to read… Avec Olivier Bal et Romain Puértolas !

Mes petits Bookinautes adorés : Pour la dernière DreamBookGazette de l’année, j’ai eu la chance immense de pouvoir croiser les réponses de deux formidables auteurs qui se sont très gentiment prêtés au jeu de mes petites questions indiscrètes malgré un emploi du temps chargé, me permettant ainsi de réaliser cette double interview et évoquer leurs derniers romans respectifs : Je vous souhaite donc une belle rencontre avec Olivier Bal, auteur notamment de “Méfiez-vous des anges“, paru cette année aux éditions XO (à gauche), et Romain Puértolas, qui a publié cette année “Les Ravissantes” aux éditions Albin Michel (à droite) ! 

Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Alors je m’appelle Olivier Bal, j’écris des polars et des thrillers. Cela fait maintenant cinq ans que je me consacre à l’écriture. J’ai écrit trois polars autour d’un personnage récurrent qui s’appelle Paul Green, sorte de détective vagabond qui me suit, me poursuit un peu malgré moi car il y a eu une vraie rencontre entre lui et les lecteurs. En effet j’ai ressenti une véritable empathie après « L’affaire Clara Miller », beaucoup de gens m’ont parlé de lui, m’ont demandé de ses nouvelles. Raison pour laquelle j’ai décidé de le retrouver dans « La forêt des disparus » puis dans « Méfiez-vous des anges ». Mais là, Paul a besoin d’une petite pause…

Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Romain Puértolas. J’écris depuis que j’ai sept ans mais mon entrée dans le monde de la littérature s’est fait en 2013 avec « L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea ». J’étais officier de police, j’ai arrêté et me suis consacré à écrire à temps plein.

Comment l’intrigue de ton roman « Méfiez-vous des anges » s’est-elle invitée dans ton imaginaire ?
Cela fait longtemps que je tourne autour du sujet de l’endoctrinement et des mécanismes de l’emprise. On peut même dire que c’est un peu la thématique de cette trilogie mais cela fait quelques années aussi que j’ai envie de me plonger dans cette thématique précise des sectes. Seulement, et même si je me réclame d’être un auteur de fiction, j’aime beaucoup me documenter et je ne pouvais pas me lancer sur un tel sujet sans approfondir ma documentation. J’ai donc passé un an et demi à me renseigner sur les sectes, j’ai lu énormément de livres, regardé pléthores de documentaires car je souhaitais vraiment donner naissance à mon propre mouvement sectaire et lui apporter une réelle cohérence à travers mon roman. J’ai ainsi créé La Voie et, à son sommet, un gourou, Douglas Fairview. Je me suis donc documenté, beaucoup documenté avant de digérer toutes les informations que j’avais récoltées pour créer La Voie mais je n’ai pas non plus la prétention d’écrire un essai sur les sectes, je n’ai pas la légitimité des spécialistes tels que Jean-Marie Abgrall, mais je voulais quand même arriver à quelque chose d’assez précis, cohérent et réaliste.

Comment l’intrigue de ton roman « Les Ravissantes » s’est-elle invitée dans ton imaginaire ?
Je cherchais un bon twist. Je suis toujours à la recherche de twists. Je ne peux pas commencer un roman sans avoir cette fin qui va donner une claque au lecteur, et à moi d’ailleurs. Dès que je l’ai eu, je me suis lancé dans le roman. Je voulais changer un peu de la France, voilà pourquoi cela se passe aux États-Unis. Je voulais, de plus, voyager dans le temps, je l’ai donc situé en 1976, quelques mois après ma naissance. Cela m’a demandé un grand et vrai travail de documentation, mais j’ai adoré.

Il s’agit de ton troisième thriller mettant en scène Paul Green… Mais qui n’en demeure pas moins différent des précédents : Comment l’expliques-tu ?
C’est vraiment une démarche volontaire de ma part car j’essaie de me réinventer à chaque livre et je ne veux pas non plus que Paul Green devienne pour moi « un boulet ». Comme beaucoup de mes camarades auteurs, j’essaie toujours de me remettre en question, de me mettre en danger à chaque livre. Dans mon cas je pense que le doute et la peur me nourrissent. J’essaie donc d’arriver avec une couleur différente à chaque livre. « L’affaire Clara Miller » est plutôt un roman noir, un thriller psychologique tandis que « La forêt des disparus » est un thriller haletant, un huis clos à ciel ouvert, un roman assez naturaliste. Avec « Méfiez-vous des anges », je voulais un thriller plus urbain, plus solaire aussi, très éclatant, déjouant les codes et les clichés qu’on a sur les sectes. Je voulais qu’à travers ce roman, le lecteur suive finalement le même parcours qu’un adepte, afin que le malaise s’infuse page après page, que ce soit assez diffus.

Il s’agit de ta troisième « enquête littéraire »… Mais qui n’en demeure pas moins différent des précédents : Comment l’expliques-tu ?
Oui, une enquête, un policier, mais avec un soin spécial apporté à la langue. Dans un roman policier, ce n’est pas le primordial, mais j’ai voulu mélanger les deux genres. Je fais de plus en plus attention à mon écriture.

Un roman à la construction plutôt audacieuse, démarrant par un prologue bigrement accrocheur : Comment t’est venue cette idée ?
C’est une mécanique que j’aime bien, que j’ai d’ailleurs utilisée sur les trois bouquins de Paul Green, et que je pense utiliser pour mon prochain, tout en faisant attention à ne pas trop le faire non plus, pour éviter de tourner en rond. C’est ce qu’on peut appeler un flashforward, l’idée est de commencer par un chapitre qui raconte quelque chose se produisant très tard dans le roman. J’aime beaucoup ce procédé car je trouve que cela pose tout de suite un enjeu, un danger et moi ce que j’aime bien avec ce genre de prologue, c’est qu’on n’a pas les clés lorsqu’on le lit la première fois, on va donc découvrir des événements, des personnages, recevoir des indices qu’on ne va pas saisir mais, au fur et à mesure de la progression dans le roman, on y revient en se disant que c’était déjà écrit. Pour moi l’écriture de thriller, c’est comme des montagnes russes : il faut des moments de tension et des moments d’apaisement, c’est une musique, une symphonie et il faut trouver le bon rythme.

Un roman à la construction plutôt audacieuse, démarrant par un prologue bigrement accrocheur : Comment t’est venue cette idée ?
Le prologue, paradoxalement, m’est venu bien après avoir terminé d’écrire le roman. Et je l’ai ajouté parce que cela donnait une dimension immédiate de mystère, de suspense. Le roman est enfin un peu long à mettre en place, car je présente l’histoire du village, des gens, je mets le décor en place, et je ne voulais pas effrayer les lecteurs zappeurs. Nous sommes à l’ère de Netflix, les gens veulent des histoires courtes, passent ensuite à autre chose. Cette scène d’ouverture est un truc pour accrocher le lecteur dès le départ.

Comment as-tu travaillé ton intrigue et les thématiques que tu y abordes ?
J’ai déjà évoqué les sectes tout à l’heure mais il y a une autre thématique au cœur du roman qui tient au lieu d’action. En effet j’ai décidé de situer l’action en Californie avec une double narration, entre Paul Green qui s’infiltre dans cette secte et l’inspectrice Sarah Shelley. Sarah dénote un peu dans ce milieu très masculin car c’est une femme avec une caractère bien trempé, atteinte d’hypermnésie, ce qui la rend très solitaire, elle a donc pris le parti de travailler la nuit afin de ne pas surcharger son cerveau d’informations. Elle appelle son cerveau La Machine mais, si elle se bat contre son cerveau qui la sature d’informations, cela peut s’avérer très utile sur une scène de crime. A travers elle, cela m’intéressait de raconter cette ville que j’ai bien connue à cette époque. C’est une ville de décors, d’apparences, de miroirs, où tout et son contraire se marient. Si j’exploite autant les Etats-Unis à travers mes romans, c’est parce que tout y est plus marqué, tous les maux de notre société y sont davantage soulignés que dans nos sociétés européennes. Et pourquoi précisément à Los Angeles ? Parce qu’en grand amoureux de cinéma, c’est aussi la société des apparences, des illusions. On va aussi parler de personnages qui veulent s’offrir l’éternité et sont prêts à tout pour y parvenir, à coup de bistouri, de seringue, de traitement miracle. Quand on a déjà tout, la richesse et le pouvoir, il reste l’éternité à s’offrir et c’est aussi une des thématiques du bouquin. En parallèle de la secte, j’aborde aussi les gangs de Los Angeles à travers La Sombra. Je me suis inspiré de grands gangs comme le MS13 et, à travers le parcours de Rafa qui est un autre de mes personnages, je voulais raconter l’impossibilité de se construire quand on grandit, quand on vit dans les quartiers sur lesquels ces gangs ont la mainmise, l’impossibilité de trouver un autre horizon, un autre avenir que celui que le gang vous propose. Rafa, on lui a pris toute sa vie, on ne lui a appris qu’à mordre et cela rejoint le thème global de l’emprise, puisqu’il a tout sacrifié pour ce gang.

Comment as-tu travaillé ton intrigue et les thématiques que tu y abordes ?
Je donne des indices, par petites doses, par ci par là, comme dans les deux romans précédents, « La police des fleurs, des arbres et des forêts » et « Sous le parapluie d’Adélaïde ». Je suis sincère, je dis tout au lecteur, mais il ne le voit pas, ne le comprend pas et, à la fin, bing. C’est la claque !!! Cela oblige ensuite le lecteur à reprendre le livre et dire : « Merde, c’était pourtant évident ! Et je n’ai rien vu… » Cela est très jouissif pour moi, et j’espère que cela l’est tout autant pour le lecteur.

Peux-tu nous parler de « L’Enceinte » ?
En effet L’Enceinte est le lieu dans lequel les membres les plus éminents de La Voie se réunissent. C’est aussi le lieu où vit son fondateur Douglas Fairview vit, entouré de ses plus proches adeptes. C’est un lieu très solaire avec des lieux interdits aussi, tels que La Source ou La Forge. En fait je voulais que ce soit très cartographié pour que le lecteur puisse s’y retrouver, qu’il sache exactement où il se trouve dans l’Enceinte. J’aime bien créer des livres organiques, que le lecteur puisse croire en mon univers, mon monde, ma proposition dès les premières pages. C’est ce que j’ai essayé faire dans chacun des livres de ma trilogie.

Peux-tu nous parler de la « Communauté des Sauveurs » ?
La Communauté des Sauveurs est une secte. Un gourou dictateur, des suiveurs-moutons, une croyance, tous les ingrédients sont réunis. La communauté m’a été inspirée par une visite que j’ai faite avec ma mère dans les années 90 au Mandarom, à Castellane. J’étais abasourdi que des adultes croient à des trucs pareils. L’invasion des extraterrestres… Évidemment, comme toujours, le gourou prend l’argent des autres et le corps des femmes. L’argent et le sexe, c’est toujours ce qui intéresse celui qui créé une communauté. Et dire qu’en 2022, il y en a toujours qui se font avoir. La crédulité humaine est sans limite…

Face à cette Communauté… Le journaliste Paul Green qu’on retrouve pour une troisième aventure, mais aussi l’inspectrice Sarah Shelley sans oublier le jeune Rafa : Que dirais-tu pour les présenter ?
Un bon thriller n’existe pas sans des personnages forts auxquels on va s’attacher. Pour moi le cœur d’un livre, c’est l’empathie qu’on va ressentir pour les personnages. On peut faire vivre les choses les plus impressionnantes, les scènes les plus tendues à nos personnages, si on ne s’y attache pas, on n’y croit pas. Donc ces trois personnages ont chacun leurs fêlures, leurs faiblesses. Sarah est brillante, intelligente, forte et puissante aussi, elle est en maitrise de son corps et de son esprit, pourtant elle reste fragile et abîmée. Rafa, le jeune des gangs, est très abimé lui aussi, et va essayer de se reconstruire au gré du livre. Et Paul, à la suite de ses deux précédentes aventures… Pour il représente Atlas, ce personnage qui porte le poids du monde sur ses épaules. C’est un gars normal qui, à un moment, s’est dit qu’il allait tendre la main aux personnes qui en avaient besoin. Il n’a pas de super pouvoir, il n’est pas plus intelligent qu’un autre, n’est pas un super enquêteur, mais c’est quelqu’un qui ne lâche jamais malgré les coups. C’est ça que j’aime chez lui, c’est cette capacité de toujours croire en la lumière, c’est pour ça qu’il va peut-être se perdre un peu. Malgré ce qu’il a vu, vécu, il continue à croire en l’humanité, se dire qu’il y a toujours quelque chose à sauver. Il faut vivre malgré tout, c’est le cœur de ce livre.

Face à cette Communauté, le Shérif Liam Golden mais aussi les mères des “Disparus de Mars” : Que dirais-tu pour les présenter ?
Le personnage de ce roman policier, paradoxalement, n’est pas le shérif, mais les mères des enfants disparus. C’est ce que je voulais. Des femmes fortes qui se lancent dans l’enquête, à qui l’on puisse tous s’identifier. Elles ont une rage, une hargne incroyable. Il n’y a rien de plus dangereux qu’une mère qui souhaite protéger son enfant. Et certains vont l’apprendre à leur dépens.

Un roman dont l’atmosphère est tout à fait prenante et particulière, faisant du décor presque un personnage à part entière : Était-ce prémédité ?
Tout à fait, comme dans mes précédents bouquins. Quand on parlait de façades et d’apparences, on va aussi aller dans des studios de tournage, dans des lieux secrets de Los Angeles. Los Angeles est décrite comme une ville très crépusculaire, cela sort des clichés de la ville solaire qu’on a habituellement, j’avais cette envie de raconter une ville quasiment gothique, qui flirterait presque avec le fantastique dans les lieux que j’ai choisis. J’aimais bien cette idée de découvrir quelque chose d’assez décrépi derrière le faste, derrière les boutiques de luxe et les immeubles rutilants, quelque chose d’abîmé et sale.

Un roman dont l’atmosphère est tout à fait prenante et particulière, faisant du décor presque un personnage à part entière : Etait-ce prémédité ?
Oui, l’atmosphère fait partie du décor. L’année, le lieu, désertique et loin de tout, la chaleur, le néant. Un petit village tranquille et soudain ce drame, cette organisation de la population contre le danger.

A présent, quels sont tes projets littéraires à venir ?
Je finalise mon prochain roman. Pour celles et ceux qui ont lu « Méfiez-vous des anges », vous aurez compris que Paul a besoin d’un peu de repos, il a besoin de rester un peu dans son cabanon à Redwoods et je l’imagine en ce moment sur son perron, dans son rocking-chair en train d’écouter ses morceaux de rock des années 1970 avec son vieux chien Flash. Je pense qu’il reviendra, mais pas tout de suite. J’ai besoin d’aller vers de nouveaux territoires, de nouveaux horizons, c’est aussi ce que je dois aux lecteurs.
Je pense être sur une grosse prise de risque pour mon prochain car beaucoup de choses vont changer, je le dois aux lecteurs et j’espère que vous serez au rendez-vous, car on y retrouve mon envie d’écrire et cette envie de raconter des personnages forts, de vous surprendre aussi. Mon prochain bouquin sera le premier qui se passe plus près de chez nous, en France et en Europe. Il y aura deux narrations parallèles. Une narration très européenne avec une enquête à travers l’Europe et une autre dans un lieu qui m’est très cher. Cela fait des années que j’ai envie de raconter ce livre, qu’il grandit en moi. On est sur un bouquin qui va danser entre les genres, et je suis à la fois excité et effrayé de l’accueil que vous lui réserverez mais j’ai hâte de pouvoir en parler car ce sera un bouquin très personnel, j’y mets beaucoup de moi, de mes souvenirs, de ma jeunesse. J’ai envie de créer un bouquin très généreux, qui vous emmène loin. Et avec lequel vous allez, je l’espère, vivre des choses fortes avec des personnages forts. J’aimerais qu’il y ait tout ça dans mon livre et j’espère vraiment parvenir.

A présent, quels sont tes projets littéraires à venir ?
Je suis en train de peaufiner mon prochain roman. Une grosse surprise. Je n’en dis pas plus. Sauf, que j’ai retrouvé quelqu’un que tout le monde cherche. Ça sortira l’année prochaine, si je suis rapide et bon sur ce coup-là…

Je remercie très chaleureusement Olivier Bal et Romain Puértolas, talentueux auteurs qui ont  pris le temps de m’accorder cette “petite” interview croisant leurs dernières parutions respectives… Si vous n’avez pas encore lu ces titres, c’est le moment où jamais de les découvrir, de (vous) les offrir : “Méfiez-vous des anges” et “Les Ravissantes” n’attendent plus que vous en librairie !

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