Mes petits Bookinautes adorés : Le temps passe, les mois défilent et les lectures s’enchainent… Certaines restent à jamais gravées dans votre mémoire et “Nos âmes au diable” est l’une d’elles : Paru chez Fleuve Noir en mars 2022, le dernier titre de Jérôme Camut et Nathalie Hug s’offre une seconde vie depuis janvier 2023 aux éditions Pocket s’être vu décerner le Grand Prix du Festival Sans Nom à Mulhouse en octobre dernier. Si vous ne l’avez pas encore lu, il vous faut absolument découvrir ce livre… Et qui mieux que ses auteurs pour vous en parler ? Je laisse donc la plume et le clavier aux CamHug qui ont très gentiment accepté de se prêter au jeu de mes petites questions indiscrètes pour vous parler de ce roman mais aussi de leurs propres lectures !
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Le Camhug est un être littéraire hybride issu de l’union du cœur et de l’esprit de deux humains qui ont décidé de vivre, vieillir et mourir ensemble. Partager l’écriture allait de soi, d’abord pour être toujours connectés, physiquement et intellectuellement. Ensuite parce que Jérôme ne savait rien faire d’autre qu’écrire et que Nathalie n’allait pas le laisser mener sa vie de bohème seul.
Nous avons parfois des projets individuels, mais l’œil de l’un veille toujours avec bienveillance sur l’autre.
Petits ou grands lecteurs : Quelle place tient la lecture dans votre vie ?
La lecture est omniprésente dans notre quotidien, weekend compris. La plupart du temps, c’est une lecture destinée à nourrir nos histoires, qu’il s’agisse de documents, d’essais ou de romans. Beaucoup plus rarement, elle redevient lecture pour le seul plaisir. Et c’est un grand bonheur d’y retourner.
Quels ont été vos premiers coups de coeur littéraires respectifs ? Et les derniers ?
Nathalie : mon premier coup de cœur littéraire de gamine, « Fantômette » de Georges Chaulet. Adolescente, « La bicyclette bleue » de Régine Deforges. Adulte, « La conspiration des ténèbres » de Théodore Roszak et bien-sûr, sinon il n’y aurait pas de Camhug, « Malhorne » de Jérôme Camut. Mon dernier coup de cœur : « Le cœur cousu » de Carole Martinez.
Jérôme : dans le désordre « 1984 » de George Orwell, « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley, les romans de Barjavel, plus tard ceux d’Albert Cohen et de Steinbeck. Le dernier : « Plaidoyer pour l’arbre » de Francis Hallé.
Y a-t-il un livre/auteur qui vous a poussé à prendre la plume ? Quel a été votre déclic ?
Nathalie : pas de déclic particulier pour ma part, mais l’envie depuis toujours de m’évader de mon quotidien de gamine, de vivre une autre vie que la mienne, ailleurs, loin de ma réalité, une triste et sombre enfance. J’ai commencé à écrire à l’âge de 11 ans, et je n’ai jamais vraiment arrêté. L’écriture est, à l’instar de la lecture, un parfait moyen d’évasion. Ou comment vivre mille existences, voyager, découvrir, mourir et naître, aimer et trembler… J’en ai fait mon métier grâce à Jérôme.
Jérôme : je me suis vraiment mis à lire pour moi après le Bac. Jusque-là, les lectures étaient imposées par les profs de français, et en sale gosse que je suis, tout ce qui m’était imposé me demandait un temps fou. Et puis je crois que la plupart des textes classiques au programme à l’époque (je parle d’un temps que les moins de vingt ans, etc.) ne correspondaient pas à l’adolescent que j’étais. Racine, Balzac et Flaubert étaient à des années-lumière de mes préoccupations d’alors. Ce sont les auteurs de Science-fiction et de Fantastique qui m’ont décomplexé. Wells, King, Dan Simmons, Pierre Bordage, Barjavel, m’ont montré qu’il était possible de rêver au-delà des mots. Et j’ai toujours eu un immense besoin de rêver. Encore aujourd’hui et jusqu’à l’heure fatidique.
« Nos âmes au diable » nous narre l’histoire de Jeanne, mère au supplice depuis que Sixtine, sa fille de dix ans, a disparu alors qu’elle aurait dû se trouver sous la surveillance et protection de son père. Sous couvert d’une thématique maintes fois exploitée à travers la littérature noire, vous envisagez la disparition d’un enfant sous un angle inédit, pour le moins… Singulier et inattendu : Comment vous est venue une telle idée ?
La thématique de « Nos âmes au diable » devait rester secrète, pour amener le lecteur à la découvrir en même temps que l’héroïne, la vivre sans les a priori qu’il n‘aurait pas manqué d’avoir, s’il l’avait connue dès le début ; donc l’idée de la masquer était une évidence. Mais cela n’a pas été simple à mettre en œuvre. Nous avons tordu cette histoire dans tous les sens avant de déterminer sa forme définitive.
Si Jeanne est une mère, elle est aussi une épouse, elle est également une fille, elle est surtout une femme : Autant de rôles indissociables… Et pourtant éludés le plus souvent, ce que vous avez justement choisi de ne pas faire. Pouvez-vous nous expliquer la raison de ce choix ?
Pour nous, un personnage de roman ne doit pas avoir moins d’épaisseurs qu’une personne de chair et de sang. Si le texte l’est de fait, la littérature n’est pas en deux dimensions, mais en trois, voire en quatre. Jeanne ne pouvait exister que si elle était aussi humaine que les lectrices et les lecteurs qui l’ont rencontrée. Si humaine d’ailleurs, que les sentiments qu’elle a suscités ont été parfois très violents, autant dans l’empathie que dans le rejet. Lorsque certains jugent un personnage de roman immoral, dépravé, extraordinaire ou si proche de soi que c’en est bouleversant, les créateurs ont fait le job, non ?
Bien que différent, ce roman n’est pas sans faire écho à certains de vos précédents titres comme en témoigne la présence de Léon Castel. Peut-on y déceler là votre ADN littéraire ?
Notre ADN littéraire est bien sûr indissociable de la pléiade de personnages que nous avons imaginés ensemble ou séparément ces vingt dernières années, mais il est surtout constitué de nos colères envers la société et sa façon de maltraiter les plus faibles, de nos interrogations de citoyens sur le monde, de nos peurs de parents, de nos émotions d’homme et de femme, de nos désirs. Ecrire est une façon de vivre dans une dimension parallèle qui serait comme un terrain de jeu où nous expérimentons soit des situations extrêmes comme celle de Jeanne et Sixtine, soit la rencontre avec des psychopathes comme Kurtz (« Les voies de l’ombre »), ou des héros infréquentables comme Ilya Kalinine (« W3 »)
Léon Castel, que tu évoques, vit en dehors de la série qui l’a révélé. Il nous fallait un homme comme lui pour aider Jeanne, pourquoi en inventer un autre ?
Ainsi, certains de nos personnages traversent les sagas et s’invitent dans d’autres romans. Un peu comme des amis qui viendraient boire un verre après dix ans d’absence.
Votre roman s’est vu décerner le Grand Prix du Festival sans nom de Mulhouse en octobre 2022. Cela ne met-il pas une certaine pression pour la suite ? Quels sont vos projets littéraires à venir ?
Pas de pression, seulement un immense bonheur, d’autant plus grand que nous avions déjà été récompensés en 2019 pour « Et le mal viendra ». Nous n’imaginions pas l’avoir deux fois ! Les thèmes de nos projets littéraires à venir sont classés top secret ! 😊 Nous pouvons juste vous annoncer un roman de Nathalie, chez Calmann-Lévy à la fin de l’année, notre prochain Camhug au Fleuve début 2024 et très probablement un Jérôme Camut en solo dans les deux ans !
Question pêle-mêle pour chacun : Quel est…
• Votre livre de chevet ?
Nathalie : « Le tarot des imagiers du Moyen-Âge » d’Oswald Wirth
Jérôme : « Le seigneur des anneaux » de Tolkien
• Le livre qui cale votre bibliothèque ?
Nathalie : mon vieux dico franco-allemand
Jérôme : le vieux dico de Nathalie
• Le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?
Nathalie : « Malhorne » de Jérôme Camut (oui, je sais, mais c’est vrai !)
Jérôme : « La ligne verte » de Stephen King
• Votre lecture en cours ?
Nathalie : « Moi, ce que j’aime, c’est les monstres » d’Emil Perris
Jérôme : « Le traité des cinq roues » de Miyamoto Musashi
Si vous deviez comparer votre vie à un roman, lequel serait-ce ?
Nathalie : je l’ignore, je ne l’ai pas encore lu !
Jérôme : tu m’as volé ma réponse, si tu continues ce sera « Kramer contre Kramer » d’Avery Corman !
Un petit mot pour la fin ?
« Tant de livres, si peu de temps. » Frank Zappa.
Un immense merci Nathalie Hug et Jérôme Camut qui ont pris de leur temps pour m’accorder cette belle interview ! Je suis ravie d’avoir ainsi pu vous les faire découvrir à mon tour, eux ainsi que “Nos âmes au diable“, leur excellent dernier roman dans lequel je vous invite à vous plonger si vous ne l’avez pas encore fait !
Quel talent à 4 mains ! Hâte de découvrir ce livre 📕