Livres et vous ? Livrez-vous… Avec Sophie Loubière !

Mes petits Bookinautes adorés… Le fait de passer tout mon week-end aux Quais du Polar dans la Capitale des Gaules ne m’empêche pas d’avoir une pensée pour le Nord et la Washington d’Europe : Je parle bien sûr de la Foire du Livre de Bruxelles, quelque peu décalée cette année. S’y trouvait notamment ma très chère Sophie Loubière qui voit l’un de ses premiers romans réédités sous une couverture de toute beauté ! Elle s’est très gentiment prêtée au jeu de mes petites indiscrètes au sujet d’elle-même mais aussi de “Dernier parking avant la plage“, désormais disponible aux éditions IFS : Je l’en remercie chaleureusement et vous souhaite une excellente lecture !

Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Romancière, journaliste, comédienne, voix de radio et de livre audio, hyper-sensible, féministe zen, et cheval de feu en astrologie chinoise.

Crédit photo : Mélania Avanzato

Petite ou grande lectrice ? Quelle place tient la lecture dans ta vie ?
Grande lectrice, depuis l’enfance. La lecture est aussi celle que me faisait ma mère lorsque j’étais enfant pour m’endormir le soir. Mais je ne m’endormais pas du tout et réclamait toujours un chapitre de plus. Elle m’a initiée aux mots, à la phrase juste, à la musicalité de l’écriture et au plaisir de lire, pour soi et pour les autres. C’est un des plus beaux partages, avec celui de l’écriture. Aujourd’hui, j’ai le bonheur d’enseigner ces deux disciplines dans le cadre de formations à la lecture à voix haute pour livre audio et à l’écriture de fiction podcast. Transmettre, c’est toujours un don de soi.

Quel a été ton premier coup de cœur littéraire ? Et le dernier ?
Question difficile, cela remonte à loin. Je mets de côté les premiers livres de l’enfance pour foncer direct sur celui qui a marqué l’adolescente que j’étais et l’écrivain en devenir : « L’écume des jours », de Boris Vian. Une histoire d’amour démente, poétique, triste et sensuelle dans un monde imaginaire où même le langage est différent du nôtre. Boris Vian (passionné de jazz et de cinéma comme moi) m’autorisait toutes les fantaisies d’écriture possibles, l’écriture instinctive, émotionnelle.
Le dernier coup de cœur : « Le lâche », de Jarred McGinnis.

Y a-t-il un livre/auteur qui t’a poussée à prendre la plume ? Quel a été ton déclic ?
Ce n’est ni un auteur ou une autrice, ni un déclic, c’est une commande d’écriture de fiction pour la radio : des petits polars lus par Claude Chabrol pour les ateliers de création de France Bleu, en 1995. J’avais déjà écrit trois manuscrits et une pièce de théâtre, mais je manquais de confiance en moi pour porter ces projets comme ils le méritaient. Grâce à cette commande qui me vaudra mon premier prix littéraire, je vais prendre conscience de mon potentiel et du style particulier de ma plume : réaliste, noire, trempée dans la dérision et l’art de la précision.

« Dernier parking avant la plage » s’est offert une petite beauté pour revenir en librairie dans une toute nouvelle version publiée le 13 mars aux éditions IFS, dans la collection Phénix Noir. Pourrais-tu nous en parler ?
C’est d’abord une belle rencontre, celle de Marc-Olivier Rinchart des éditions IFS au Festival des littératures policières de Libourne, l’année dernière. En discutant tous les deux, je lui parle de ce livre jusqu’alors disponible en poche chez Folio depuis 2004 et dont je venais de reprendre les droits. Il m’a tout de suite proposé de le mettre dans sa superbe collection Phénix Noir. L’occasion était trop belle : j’en ai profité pour reprendre certains passages, affiner des dialogues, retirer des points de suspension inutiles, remettre de l’huile dans le moteur et balayer les scories qui trainaient sur le parking, sans rien déranger du texte initial. Quel bonheur que de retrouver ces personnages, de me retrouver dans la France des années 2000, dans la peau de Cat, cette maman un peu paumée sentimentalement qui s’échoue dans un village-vacances à Saint-Jean-de-Monts, un peu comme moi à l’époque où j’ai écrit ce roman policier, et de voir que la mystérieuse voiture rouge sur le parking que j’avais alors imaginée (sur la base de recherches du CNRS) existe pour de bon aujourd’hui, vingt ans après… mais brevetée par les Américains, hélas !

S’il se révèle à nous dans une réédition que tu as entièrement retravaillée, « Dernier parking avant la plage » est surtout ton tout premier polar et semble tenir une place tout à fait particulière dans ton cœur, ta vie, ton existence puisque son titre a inspiré celui de l’émission que tu animais sur France Inter : Saurais-tu nous expliquer pourquoi ?
En réalité, ce n’est pas tout à fait mon premier polar : j’ai d’abord écrit un Poulpe, dans la collection imaginée par Jean-Bernard Pouy et Patrick Raynald dans les années 90, « La petite fille aux oubliettes » (Baleine Seuil) qui marquera mon entrée dans le polar en 1999. Mais « Dernier parking » est effectivement le premier roman noir que j’écris sans tenir compte d’une bible littéraire comme c’était le cas quand on s’attelait à un Poulpe. Quant au lien avec l’émission sur France Inter, il est simple : j’écrivais ce roman lorsque j’ai reçu un coup de fil de la direction des programmes, on me proposait d’animer une quotidienne sur l’antenne durant l’été. Il fallait vite trouver un titre estival à l’émission, j’ai proposé celui du livre que j’écrivais. Jean Morzadec, à l’époque directeur des programmes, a trouvé le titre canon. Voilà donc comment le concept de l’émission est arrivé peu à peu dans ma tête : alternance de lectures de livres de ma bibliothèque ou de billets selon mon humeur, ambiances de bord de mer, de ressac des vague, de crissements de pneus dans un parking, playlist d’Inter, musiques de détente et d’extase, chroniques rigolotes (pause rafraîchissante, petit atelier de bricolage, minute intelligente…) et extraits des films de Jacques Tati pour le côté nostalgique des vacances d’antan, ça dépotait. L’émission a duré cinq ans, avant de prendre une autre forme le soir, sur l’antenne, version « Parking de nuit ». Il faut croire qu’elle a marqué les esprits des auditeurs car aujourd’hui encore, je reçois leurs messages sur Instagram me demandant quand je reviens à l’antenne… que j’ai quittée il y 13 ans. Si vous êtes une ou un nostalgique de l’émission, suivez ce lien : https://soundcloud.com/sophie-loubiere

Qu’est-ce qui a motivé la renaissance de ce roman aux thématiques fortes, teinté d’une certaine nostalgie ?
Mon côté perfectionniste. J’avais déjà entièrement repris un manuscrit lors de sa parution en poche chez Pocket : il s’agit du livre « Dans l’œil noir du corbeau », polar hitchcockien par excellence, avec le décor de San Francisco, son histoire et son flic retraité, à la James Stewart. Edité dans l’urgence, la version publiée au Cherche-Midi ne me donnait pas satisfaction. Comme tout artiste, un romancier souhaite parfois revisiter une œuvre. Il sera alors, avec le recul et l’expérience, en capacité de résoudre telle ou telle question esthétique, stylistique, de faire, en gros, le boulot que l’éditeur à l’époque n’avait pas fourni sur le texte à cause d’un timing trop serré. Pour « Dernier parking avant la plage », le problème était le même : délais d’impression trop courts, un seul jeu de corrections alors que l’usage est de trois jeux (on repasse trois fois le manuscrit à la moulinette). Il faut croire qu’il était déjà de bonne facture puisque la critique à l’époque a été élogieuse et que ce polar m’a propulsée au-devant de la scène du roman noir. Mais si je dois un jour ne plus écrire de livre, autant laisser derrière moi des œuvres dont je serais pleinement satisfaite.

As-tu déjà une idée pour ton prochain bouquin ? Quels sont tes projets littéraires à venir ?
Je travaille actuellement sur une dystopie. Un roman noir et très contemporain, qui aborde des thèmes forts autour de l’obsolescence « programmée », organisée des femmes de plus de cinquante ans dans une société future et un monde marqué par le réchauffement climatique, hélas pas si éloigné du nôtre… A paraître début 2024.

Question pêle-mêle : Quel est…
• Ton livre de chevet ? « Et que le vaste monde poursuive sa course folle » de Colum McCann.
• Le livre qui cale ta bibliothèque ? De vieux exemplaires de mon enfance de la bibliothèque rose.
• Le livre que tu aurais rêvé d’écrire ? Mon prochain (je doute toujours d’y arriver).
• Ta lecture en cours ? « Respire » de Niko Takian.

Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
Ce serait un livre dans l’esprit de celui de Margaret Mitchell « Autant en emporte le vent » (Prix Pulitzer 1937), un roman « fleuve » romanesque, plein de péripéties, d’histoires d’amour torrides et passionnées, de drames et de joies, d’engagement, de combats et de victoires.

Un petit mot pour la fin ?
Un grand merci à toi pour ta belle énergie, ta générosité et ton amour des livres, Aurélie (au prénom prédestiné !)

C’est moi qui te remercie, chère Sophie, d’avoir pris le temps de m’accorder cette petite interview : A prèsent je vous donne tous rendez-vous en librairie pour le “Dernier parking avant la plage” : Bonne lecture et belle (re)découverte !

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