Chroniques 2024 \ Obsolète de Sophie Loubière

Pour en fini avec les femmes ? Et la ménopause : “Obsolète” de Sophie Loubière, paru le 1er février 2024 aux éditions Belfond.

Le pitch : 2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l’humanité s’est adaptée. Économiser les ressources, se protéger du soleil, modifier son habitat, ses besoins, et adhérer au tout-recyclage.
Y compris celui des femmes.
Afin d’enrayer le déclin de la population, toute femme de cinquante ans est retirée de son foyer pour laisser la place à une autre, plus jeune et encore fertile.
L’heure a sonné pour Rachel. Solide et sereine, elle est prête. Mais qu’en est-il de son mari et de ses enfants ? Car personne n’est jamais revenu du Grand Recyclage. Et Rachel sent bien que le Domaine des Hautes-Plaines n’est pas ce lieu de rêve que promet la Gouvernance territoriale aux futures Retirées…

Si j’avais d’ores et déjà le nouveau roman de Sophie Loubière dans ma ligne de mire en dépit d’un emploi du temps chargé, la table ronde que j’ai eu le plaisir d’animer en sa compagnie et celle d’Olivier Sebban sur “le monde à la dérive” m’a offert l’opportunité de pouvoir le lire en avant-première… Une chance que je ne pouvais décidément pas laisser passer, j’en profite d’ailleurs pour remercier très chaleureusement les éditions Belfond pour l’envoi de cet ouvrage ! Un ouvrage pour lequel il me faut maintenant trouver les mots afin de vous en parler à sa juste valeur…

On a l’habitude de voir Sophie Loubière nous surprendre et se renouveler au fil de ses écrits. Mais pour son arrivée chez son nouvel éditeur, l’autrice s’est surpassée, sortant non seulement de sa zone de confort, mais plus encore des sentiers battus en nous proposant cette dystopie fort bien pensée, plus sombre qu’il n’y paraît, et d’une redoutable crédibilité.
Si l’on est d’abord dérouté, c’est pour mieux se laisser happer par cette intrigue tout à la fois dense et différente, s’emparant des codes du roman d’anticipation pour mieux s’en affranchir et s’ancrer dans une réalité d’autant plus perturbante que ses prémices sont d’ores et déjà d’actualité.
Dans cet univers dont chaque détail a été réfléchi, mûri, construit, les émotions sont régulées par un bracelet pour assurer harmonie et sérénité quand tout est désormais recyclable. Y compris les femmes. Oui, vous avez bien lu. Non, je ne me suis pas trompée. Passées cinquante ans, ces dames ne sont plus assez fertiles pour perpétuer l’espèce humaine, aussi sont-elles conviées au grand bal des Retirées, direction le Domaine des Hautes Plaines au grand dam de leur moitié.
Si vous souhaitez en savoir plus à ce sujet, il vous faudra suivre Rachel qui s’interroge sur cet avenir trop beau pour être honnête tandis que son mari Keen s’improvise enquêteur suite à la découverte des corps de trois fillettes…
Vous l’aurez sans doute déjà compris : En plus d’être dense, prenant et surprenant, ce roman se révèle brillant, intelligent, pertinent et éloquent, s’avère introspectif et nous pousse à la réflexion… Sur nous-mêmes, sur notre société, sur notre monde et ce que l’on en fait. Et c’est passionnant.
Ca l’est d’autant plus que le récit est soutenu par une plume fluide, visuelle et fascinante, un style vif et soigné, dynamisant ainsi ce texte qui, lui, prend tout son temps sans être trop lent.

En bref, Sophie Loubière nous offre un roman original et engagé, profond et fouillé, remarquable d’innovation et d’inventivité… Obsolète : Même le titre est parfait… sauf pour son talent !

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