Coup de cœur pour ce bijou littéraire, aussi brillant que brut : “La dernière allumette” de Marie Vareille, paru en mars 2024 aux éditions Charleston.
Le pitch : Depuis plus de vingt ans, Abigaëlle vit recluse dans un couvent en Bourgogne. Sa vie d’avant ? Elle l’a en grande partie oubliée. Elle est même incapable de se rappeler l’événement qui a fait basculer sa destinée et l’a poussée à se retirer du monde.
De loin, elle observe la vie parisienne de Gabriel, son grand frère dont la brillante carrière d’artiste et l’imaginaire rempli de poésie sont encensés par la critique. Mais le jour où Gabriel rencontre la lumineuse Zoé et tombe sous son charme, Abigaëlle ne peut s’empêcher de trembler, car elle seule sait qui est vraiment son frère…
Si je ne suis pas à jour dans la bibliographie de Marie Vareille, je la lis avec plaisir depuis que je l’ai découverte avec “Elia, la passeuse d’âmes” puis “Là où tu iras j’irai“. Chaque roman est différent mais constitue une fascinante aventure. Je la lis depuis longtemps, donc… Toutefois je ne l’avais pas revue depuis une éternité… Aussi n’ai-je pas hésité une seule seconde à me glisser dans la longue file d’attente pour la retrouver cette année au Festival du Livre de Paris et me procurer ce livre, dont j’entendais le plus grand bien mais qui m’intriguait déjà depuis sa sortie… Et rarement une lecture aura tant chamboulé mon âme…
A travers ce roman, l’autrice s’empare du délicat sujet des violences, tant conjugales que familiales, et du retentissement qu’elles ont sur les enfants à l’âge adulte… Une thématique difficile et rude, tristement d’actualité, déjà maintes fois abordée… Et pourtant Marie Vareille nous offre une intrigue absolument unique, tellement bouleversante que je ne m’en suis toujours pas remise.
Parce que Marie Vareille commence par nous présenter Abigaëlle, une jeune femme qui vit recluse et murée dans son silence depuis vingt ans et un terrible évènement auquel sa mémoire refuse d’accéder. Très vite, l’autrice alterne les points de vue comme les temporalités, nous replonge dans l’enfance de la jeune femme et son grand frère Gabriel à travers son carnet, avant de nous inviter dans le bureau d’un psychiatre qui reçoit une patiente victime d’un mari violent, ce dont elle peine à prendre conscience. Insidieusement, le malaise s’installe et l’émotion nous submerge. Un mot nous heurte, une réplique nous frappe, une réponse nous blesse, une phrase nous assomme. Plus encore parce que ce sont les victimes qui racontent, et que certaines d’entre elles sont bien jeunes. Personne ne devrait voir ni subir cela, encore moins des enfants.
Mais si vous pensiez être au bout de vos peines, sachez que vous n’avez encore rien lu, rien vu, rien su. Et c’est sans aucun doute là toute la prouesse de l’autrice qui fait montre d’un remarquable talent de conteuse et de manipulatrice, au moyen d’une construction bien pensée et redoutablement maîtrisée. La lecture s’en révèle d’autant plus prenante, d’autant plus touchante, d’autant plus éprouvante… Parce que quelque chose cloche, on le sait… Mais sans le savoir. Et quand on finit par l’apprendre, quand on finit par comprendre, on en reste complètement abasourdi.
Je n’en dirai pas davantage sur ce saisissant roman qui DOIT être lu, si ce n’est qu’il est servi par une plume d’une incroyable sensibilité, un style profondément authentique et vrai… Ainsi le roman est sombre et se lit comme un thriller, d’où jaillit pourtant un soupçon de lumière comme une lueur d’espoir. C’est déroutant, douloureusement juste, mais tellement beau.
En bref, il vous absolument rencontrer Abigaëlle et son grand frère Gabriel mais aussi sa compagne Zoé ainsi que les autres à travers ce roman inoubliable et imprévisible.