Un roman historique d’autant plus sidérant que tout y est vrai : “Les derniers sur la liste” de Grégory Cingal, paru le 21 août 2024 aux éditions Grasset.
Le pitch : Août 1944. Trente-sept officiers de renseignement alliés pénètrent au Block 17 du camp de Buchenwald. Parmi eux, le commandant Forest Yeo-Thomas, envoyé spécial de Churchill auprès des chefs intérieurs de la Résistance ; le capitaine Harry Peulevé, chef du réseau SOE Author basé en Corrèze ; le lieutenant Stéphane Hessel, agent des services secrets de la France libre.
Trois semaines après leur arrivée, le chef de block reçoit une première liste d’hommes à exécuter. Avec la complicité de la résistance clandestine du camp, elle-même divisée en factions rivales, ces trois officiers vont mettre au point un plan d’évasion aussi incertain que risqué : prendre l’identité des cobayes d’un block voisin, sacrifiés pour la mise au point d’un vaccin contre le typhus.
Voici le roman vrai de la mission de sauvetage la plus spectaculaire de l’histoire des camps.
Je ne connaissais pas Grégory Cingal avant de découvrir son nom sur mon programme pour le salon des “Livres dans la boucle” de Besançon. Bibliothécaire, archiviste et traducteur, l’auteur a signé son premier roman cette année, après avoir publié deux récits autobiographiques et plusieurs recueils critiques consacrés à des écrivains engagés du XXème siècle. Un premier roman historique dont j’ai pu échanger avec lui, à l’occasion d’une table ronde aux côtés de Caroline de Mulder et Lionel Duroy, mais également sur le salon où nous avons pu longuement en discuter. Une passionnante conversation qui reflètera sans aucun doute la chronique que je m’apprête à vous proposer, si tant est que mes mots puissent être à la hauteur des siens…
Fort d’un travail de recherche et de documentation absolument titanesque, Grégory Cingal nous plonge au cœur du camp de concentration de Buchenwald pour nous faire vivre la plus incroyable des évasions… S’il s’agissait d’une pure fiction, on se dirait probablement que l’auteur en a trop fait… Mais tout ce que vous lirez ici est d’une hallucinante véracité. « La fiction est plus craintive que la réalité, elle se tient coite sous la griffe du vraisemblable. » écrit l’auteur, et il a bien raison de le préciser.
D’une plume fine, percutante et affûtée, l’auteur nous conte en effet un morceau d’Histoire, façonné par des héros dont on connaît les noms sans pour autant savoir ce qu’ils ont vécu. Nous sommes en août 1944, un groupe de 37 officiers des renseignements alliés est fait prisonnier et envoyé au camp de concentration de Buchenwald. Nombre d’entre eux seront rapidement exécutés, une course contre la montre s’enclenche alors pour en sauver quelques-uns. Parmi eux, Stéphane Hessel.
Mais au-delà de l’évasion elle-même, dont on connaît l’issue mais qui nous tient pourtant en haleine, l’auteur nous expose également le camp dans toute sa complexité, avec ses luttes intestines et ses poches de résistance souterraine, ses élans de solidarité et ses jeux de pouvoir, ses alliances et ses impostures… Le roman est d’une densité extrême avec ses nombreux personnages et ses moult revirements, cependant on ne s’y perd jamais tant l’auteur, qui se fait également habile narrateur, maîtrise sa construction sous tension à la perfection.
Dès lors on est partie prenante à ce moment de l’Histoire, on la vit plus qu’on ne la lit, on se laisse traverser, submerger par moult émotions, on partage leurs angoisses comme leurs espoirs, on retient notre respiration au gré des complicités, qu’elles soient actives ou passives… On sait mais on veut quand même savoir et on en ressort complètement chamboulé, tant c’est puissant et bouleversant de vérité.
On retiendra encore ce style, cette intonation de l’auteur au fil des parties, d’abord cinglante et cynique, l’auteur se fait de plus en plus subtil et sensible pour mieux nous émouvoir. Pour mieux nous impliquer. Plus qu’une simple lecture, l’auteur nous offre ainsi une véritable expérience littéraire, particulièrement riche et d’autant plus éprouvante qu’elle est authentique.
En bref, c’est aussi un bel hommage que l’auteur rend à ces hommes à travers ce roman exceptionnel. Qu’il en soit chaleureusement remercié pour nous avoir tant appris et touchés.