Chroniques 2025 \ Ca finit quand, toujours ? d’Agnès Gruda

Une saga historique édifiante : “Ca finit quand, toujours ?” d’Agnès Gruda, paru le 27 août 2025 aux éditions Les Equateurs.

Le pitch : À l’aube des années 1950, dans une maternité de Varsovie, deux femmes font connaissance. L’une vient d’accoucher d’une fille, Ewa, l’autre d’un garçon prénommé Adam. La coïncidence, annonciatrice d’un monde nouveau, les amuse et les rapproche. Autour de Nina et Pola se rassemblent bientôt quatre familles unies par les liens du sang, de l’amitié ou du coeur. Mais les vieux démons, toujours prêts à se réveiller, disperse la tribu aux quatre vents – en Europe d’abord puis aux États-Unis, au Canada et en Israël. Enfants et adultes y trouveront de nouveaux horizons, de nouveaux rêves qui se briseront parfois. Ils changeront de langue et de prénom. Seront tentés de revenir ou de prendre à nouveau la route. Chacun vivra l’exil différemment, selon sa terre d’adoption, mais tous refuseront obstinément de devenir des étrangers les uns pour les autres.

Je ne connaissais pas Agnès Gruda avant de découvrir son nom au programme des rencontres que j’aurai le plaisir de modérer au salon des Livres dans la Boucle qui se déroule à Besançon ce week-end. Si ses 560 pages peuvent inquiéter de prime abord, je me suis volontiers laissée emporter sans voir les pages tourner au gré de cette captivante odyssée familiale et amicale.

A travers ce roman, l’autrice s’intéresse en effet à presque un siècle d’Histoire à travers les histoires de ses personnages. Quatre familles polonaises de confession juive, dont les destins s’entremêlent à Varsovie. C’est d’abord Pola et Nina qui se rencontrent à la maternité quand elles accouchent respectivement d’Adam et Ewa… Le début d’un nouveau monde à façonner ? L’idée est jolie mais le régime communiste assombrira pourtant ce bel horizon. Bientôt les Juifs seront fortement invités à quitter le territoire… Beaucoup choisiront l’exil en quête d’un quotidien plus serein, d’autres résisteront, trop attachés à leurs racines. Chacun apprendra ainsi à vivre, différemment.
Au gré de cet ambitieux récit et en compagnie de ses très nombreux protagonistes, l’autrice aborde très justement les délicats sujets de l’immigration et de l’exil, sans oublier l’impact sur la descendance. Que faire quand on se sent exclu de son propre pays sans se sentir intégré dans un autre ? Que faire quand on se sent étranger partout ? Il est aussi question d’identité et d’évolution : Qui est-on vraiment quand on se retrouve contraint à changer de pays, de langue, de culture, de prénom ? Autant de thématiques qu’Agnès Gruda évoque avec beaucoup de justesse et d’émotions.
Si j’ai parfois craint de m’égarer au fil des générations, l’autrice maitrise ses déplacements tout comme son arbre généalogique pour une intrigue remarquablement bien construite, soutenue par une plume fluide, percutante et authentique, un style brut, teinté d’une certaine poésie… Il en va ainsi de ce titre, qui prend tout son sens dans la bouche d’une enfant. Il en est de même quand l’autrice souligne admirablement ces liens qui s’effritent au fil du temps, sans se rompre complètement.

En bref, l’autrice nous livre ici un ouvrage tout à la fois dense, beau et touchant, profondément humain sur la (re)construction personnelle.

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