Un roman noir et social aussi manichéen qu’immersif : “Les aiguilles d’or” de Michael McDowell, paru le 06 octobre 2023 aux éditions Monsieur Toussaint Louverture.
Le pitch : Dans le New York de la fin du XIXème siècle coexistent deux mondes que tout oppose. D’un côté, l’opulence et le faste. De l’autre, le vice monnayé et l’alcool frelaté. C’est à leur frontière, au cœur de l’infâme Triangle Noir, qu’une famille fortunée va chercher à asseoir sa notoriété en faisant mine de débarrasser la ville de sa corruption. Les Stallworth, dirigés d’une main de fer par leur patriarche, l’influent et implacable juge James Stallworth, assisté de son fils Edward, pasteur aux sermons incendiaires, et de son gendre Duncan Phair, jeune avocat à la carrière prometteuse, ont un plan impeccable : déraciner le mal en éradiquant une lignée corrompue de criminelles : les Shanks.
Je me rappelle avoir tardé à me plonger dans les six tomes de “Blackwater“, craignant de trop en attendre au regard de l’engouement que la saga avait suscité dès sa sortie… Non seulement j’ai compris et partagé cette exaltation littéraire, mais mon coup de cœur fut tel que j’étais même en manque à la fin de chaque opus, jusqu’à connaître une vraie panne de lecture en atteignant le point final… Sans surprise, je me suis donc retrouvée dans une situation analogue à la sortie de ce nouveau roman, initialement publié par son auteur avant “Blackwater“… Mais alors que j’avais immédiatement accroché avec “La Crue“, il a fallu que je m’y reprenne à trois reprises pour amadouer “Les Aiguilles d’or“… Pourquoi ai-je insisté, me demanderez-vous ? Je n’en sais trop rien, figurez-vous ! J’ai d’abord pensé que je ne m’y étais pas plongée au bon moment, que je devais aussi admettre que l’aventure serait nécessaire différente… Puis quelque chose me poussait à persévérer malgré l’échec de ma deuxième tentative… Comme si les personnages me rappelaient à eux : “Reviens Bichette, nous avons tant de choses à te raconter !” Alors j’ai insisté…
Et j’ai bien fait, vraiment bien fait. Si le premier tiers du roman peut vous paraître d’une longueur sans nom, c’est pour mieux vous immerger dans un New York du XIXème siècle plus vrai que nature, presque un personnage à part entière, tout à la fois envoûtant et impitoyable, où la guerre des sexes fait autant rage que la lutte des classes.
Une ville et deux mondes que tout oppose, personnifiés à travers deux familles. D’un côté, les richissimes Stallworth, représentant officiellement la loi et l’ordre sous couvert de quelques petits arrangements entre amis corrompus. De l’autre, les Shanks, fière lignée de criminels, purs produits du Triangle d’Or qui n’en oublient pas certaines valeurs pour autant.
Ainsi le prologue et sa nuit du Nouvel An vous offrent un bref aperçu de ce qui vous attend au fil de pages, le décor s’installe, les protagonistes se présentent et le piège se referme sur vous qui prenez alors part à une stupéfiante partie d’échecs façon Michael McDowell, aussi brillante que redoutable et cruelle où chaque camp usera de manigances pour mieux damer le pion à son adversaire, le sang des uns réclamant toujours le sang des autres.
Si je retiendrai particulièrement les personnages féminins de cette captivante histoire qui, tout comme dans la saga “Blackwater“, se révèlent sans aucun doute les plus forts, les plus marquants, les plus fascinants, tout, je dis bien TOUT dans ce roman est absolument époustouflant et la critique acerbe de la société de l’époque que nous offre alors l’auteur n’en est que plus pertinente, éloquente, saisissante.
Bien que fluide, la plume n’en demeure pas moins subversive et teintée d’un certain cynisme, le style est vif, attrayant, presque ensorcelant, tant et si bien qu’on n’échappe pas à la puissance de cette écriture. C’est indéniable. C’est impossible.
En bref, je ne regrette pas un seul instant d’avoir insisté car j’en ai saisi tout l’intérêt. C’est un roman noir qui se mérite pour mieux nous passionner.