Un roman aussi singulier qu’envoûtant : “Le ciel en sa fureur” d’Adeline Fleury, paru en janvier 2024 aux éditions de l’Observatoire.
Le pitch : C’est une bourgade entre mer et champs, avec son église, ses fermes, ses habitants rugueux et taciturnes. Avec ses cauchemars aussi, car ce qu’on a fait au cheval des jumeaux Bellay, aucun animal n’en serait capable. Julia, vétérinaire, et Stéphane, maréchale-ferrante, ex-citadines fraîchement arrivées dans la région, en sont persuadées : seul un homme a pu commettre pareille atrocité. Au fil des jours, de nouvelles carcasses sont retrouvées, et les villageois entrent en émoi – le Varou, monstre de légende assoiffé de vengeance, est revenu ! Au même moment, d’étranges événements se produisent dans les sous-bois alentours, alors qu’un gosse bizarre, « l’enfant-fée » comme on l’appelle, rôde autour des dépouilles d’animaux. À travers l’enquête de deux femmes décidées à se reconstruire, Adeline Fleury nous conte une terre marécageuse balayée par les vents et les légendes ancestrales, et les secrets d’un village français. Un roman envoûtant, noir et vénéneux, où les grenouilles, parfois, tombent du ciel.
Bien que la connaissant de nom, notamment pour son “Petit éloge de la jouissance féminine“, je n’avais encore jamais lu le moindre ouvrage d’Adeline Fleury. Je l’ai pourtant rencontrée au Festival du Livre de Créteil en avril dernier et, après avoir longuement échangé avec elle, je m’étais procurée “Le ciel en sa fureur“, son dernier roman paru aux éditions de l’Observatoire. Pour autant, ce titre patientait toujours dans ma PAL cet été, lorsque j’ai appris que j’aurai la chance et le plaisir de la recevoir en table ronde aux côtés d’Olivier Adam et Johanna Krawczyk au salon des Livres dans la Boucle de Besançon à la rentrée… C’était un signe, il me fallait plonger dans cette lecture sans tarder !
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Adeline Fleury sait captiver son lecteur ! Pourrait-on dire qu’elle nous offre un conte noir ? Je m’octroie ce droit en tout cas, car c’est au plus juste de qu’on trouve dans ce récit profondément humain et incontestablement ancré dans la réalité tout en étant parsemé de légendes et teinté de mysticisme quand on croise le Varou où l’Enfant-Fée au détour d’un chapitre… Une sorte de réalisme magique qui parsème cette intrigue et nous fascine de la première à la dernière ligne.
Direction le Cotentin où nous attend une sinistre petite bourgade exposée aux quatre vents. Les habitants sont un peu rustres et ont l’esprit étroit pour la plupart… L’accueil y est donc assez froid, pour nous comme pour deux des personnages que nous allons y côtoyer : Julia et la Grande Stéphane, deux citadines venues ici se reconstruire en exerçant un “métier d’homme”… Sans y être aidées. Dès lors la solidarité dans la solitude nous permet de nous rapprocher d’elles comme elles l’ont fait elles-mêmes et rend l’empathie évidente.
Mais rapidement les évènements s’enchaînent, l’atmosphère se charge et s’appesantit, nous oppresse et nous enferme… Et nous voici presque embarqués dans un huis clos à ciel ouvert. C’est ainsi qu’Adeline Fleury use de sa plume d’une grande élégance, tout à la fois sensorielle et onirique, avec un style vif et enivrant, pour mieux nous immerger au cœur d’un terroir dont elle maîtrise toutes les légendes et nous faire prisonnier d’une tension narrative de tous les instants. Si le roman paraît court, il ne manque pas de densité ni de puissance. Et c’est finalement cette part de magie qui nous permet de mieux supporter toute l’horreur de la réalité.
En bref, c’est un roman noir subtil et habilement construit qui nous est ici proposé… Une expérience de lecture déroutante que j’espère bien renouveler !