
L’extraordinaire récit d’une vie sans éclat, menée sans empressement par un grand rêveur à l’époque des Trente (pas si) glorieuses : “Les Promesses orphelines” de Gilles Marchand, paru ce 22 août 2025 Aux Forges de Vulcain.
Le pitch : On racontait qu’on allait marcher sur la Lune, on disait qu’en l’an 2000 on se déplacerait en voiture volante. On parlait d’un Aérotrain capable de battre tous les records de vitesse.
Mais comment participer à tout ça quand on vit, comme Gino, au fin fond d’un village de l’Orléanais, quand le bulletin scolaire est en berne, quand on se demande comment séduire Roxane, la fille entrevue au bal du village des années plus tôt ?
Gilles Marchand, fidèle à ses personnages toujours en décalage, nous offre une traversée poétique des Trente glorieuses par un jeune idéaliste, la tête pleine de rêves plus grands que lui, acteur à sa manière d’un monde en accélération où le bonheur pour tous semblait à portée de main.
Vous dire que j’attendais le nouveau livre de Gilles Marchand avec ferveur et impatience relève de l’euphémisme : Parce que chaque roman est un coup de cœur, chaque lecture est un enchantement, parce que chaque personnage laisse une trace indélébile dans mon cœur et sur mon âme de passionnée. Aussi étais-je au comble du bonheur lorsque les Forges du Vulcain ont très gentiment accepté de me faire parvenir cet ouvrage en avant-première, me permettant ainsi de m’y plonger avant sa sortie : J’en profite pour les remercier vivement avant de vous en parler !
A travers ce doux roman, Gilles Marchand nous plonge dans l’envers du décor des Trente Glorieuses, une époque bénie de réussite et d’innovation qui a autant fait rêver que déchanter, comme en témoigne Gino. Né en 1946 d’un père immigré italien, fier participant à la construction du Téléphérique du Pic du Midi, le garçon ne brille pas par ses notes et n’est pas épargné par la vie, mais n’en demeure pas moins déterminé à prendre part à l’avenir : A défaut de marcher sur la Lune, c’est à l’Aérotrain qu’il projette de se consacrer… Et ça tombe bien, puisque sa construction est envisagée à proximité de sa petite campagne orléanaise.
C’est donc une histoire d’Histoire, une histoire de vie. Mais c’est une histoire d’amour aussi. Parce que Gino a Roxane dans la peau, dans le cœur, dans le sang et dans les tripes depuis qu’il l’a vue à travers sa boule à neige quand il était petit… Et tandis que le monde accélère, Gino ne file pas assez vite. C’est une histoire de désillusions, d’occasions manquées, de chances avortées à une période où tout semblait pourtant possible. Cela étant, est-ce une raison de renoncer au bonheur ? Ne parvient-on pas à être heureux malgré tout, envers et contre tout ? La dame de l’IFOP vous posera la question, à vous de savoir y répondre selon votre intime conviction.
Ainsi Gilles Marchand nous retrace l’existence d’un idéaliste qui songe en grand dans un monde en couleurs, et qui a pourtant l’impression de n’être que le figurant de son propre destin. Tout en agrémentant son récit de publicités révélant le fossé narquois avec la plate réalité, l’auteur dresse ainsi le portrait d’une époque en décalage, à l’instar de ses personnages auxquels on a tôt fait de s’attacher. Gino bien évidemment, mais aussi sa mère, son frère et sa vieille tante, sans oublier Roxane, René ou Jacques et bien d’autres. Tous apportent leur pierre à l’édifice et leur coup de crayon à cette intrigue fort bien construite, dont on apprécie la tendresse et la délicatesse, la singularité et l’originalité, la douceur et la poésie.
Et tandis qu’on se plaît à percevoir les nombreux clins d’œil à ses précédents titres, on se laisse happer, emporter et envoûter par ce bouquin, transcendé par une plume d’une grande élégance et d’une remarquable musicalité, un style vif et sensible, un brin fantasque mais aussi plus engagé qu’il n’y paraît. L’aventure n’en est que plus belle, les émotions plus fortes et le souvenir plus durable.
En bref, Gilles Marchand est un magicien des mots qui parvient à sublimer l’ordinaire et mettre les anonymes en lumière. C’est encore le cas dans ce titre bouleversant d’humanité, rappelant très justement que le merveilleux peut se cacher dans le moindre détail du quotidien.