Chroniques 2018 1994 d’Adlène Meddi

Un roman noir d’une particulière densité : “1994” d’Adlène Meddi, à paraître aux éditions Rivages/Noir le 05 septembre 2018.
 
Le pitch : Dans une Algérie à feu et à sang, quatre lycéens de la banlieue d’Alger décident de former un groupe clandestin pour lutter contre le terrorisme. Dix ans plus tard, la jeunesse algérienne a grandi, les lycéens sont désormais des hommes… Mais quels hommes ont-ils pu devenir ?
 
C’est dans le cadre du Cercle des Lecteurs du Furet du Nord que j’ai eu le plaisir de recevoir ce roman. Si je ne connaissais pas encore l’auteur, la quatrième de couverture a pu m’apprendre que ce dernier était un journaliste et romancier d’origine algérienne et qu’il s’agissait là de son troisième roman. Autant d’éléments m’invitant à découvrir au plus vite ce récit qui promet d’être douloureusement clairvoyant.
 
Plus qu’un roman noir, c’est la fresque d’une sombre époque que l’auteur nous dépeint là. Car si l’Histoire retient surtout la Guerre d’Algérie, il existe bien d’autres conflits qui ont ravagé le pays, et notamment dans les années 1990. Et c’est précisément sur cette décennie que l’auteur s’attarde et s’arrête.
Au-delà du clin d’œil à Georges Orwell auquel il est impossible de ne pas penser, 1994 est surtout une année significative dans l’Histoire de ce pays déjà traumatisé par les conflits armés. Au travers d’une poignée de personnages tout à fait symboliques, l’auteur nous présente une génération brisée, sacrifiée sur l’autel d’une guerre qui n’a jamais voulu dire son nom, n’a jamais voulu s’expliquer, n’a jamais voulu mettre les mots sur les indicibles maux qu’elle a causés. Comment en effet peut-on construire sa vie lorsque la mort nous encercle ? Comment en effet envisager l’avenir dans l’insouciance de la jeunesse quand on grandit en subissant maintes horreurs, cerné par la violence qui emporte ses pairs ?
Sans prétendre nous livrer la moindre leçon d’Histoire, l’auteur tente d’apporter un éclairage à toutes ces questions trop longtemps restées sans réponse, pour évacuer ce traumatisme dont on ne veut pas parler et qui reste pourtant présent dans tous les esprits, pour libérer les fantômes du passé et éviter qu’ils ne hantent encore cette génération déjà torturée. Et au regard de l’âge de l’auteur, nul doute que ce dernier sait de quoi il parle, livrant sans le dire une part de sa propre histoire.
Dès lors c’est un récit puissant, percutant mais aussi chargé d’émotions que l’auteur nous délivre, d’une plume fluide et de toute beauté, comme pour transfigurer les douleurs du passé.
 
En bref, une histoire dont l’Histoire tait les horreurs, intense et d’une incroyable richesse.

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