The place to read… Avec Gilles Marchand !

Mes petits Bookinautes adorés : La DreamBookGazette se doit de vous offrir une rentrée la plus littéraire qui soit ! Pour l’occasion j’ai souhaité vous proposer une série d’interviews exceptionnelles, parmi lesquelles celle d’un auteur dont j’affectionne tout particulièrement la plume, résolument poétique, tout à la fois belle et moderne, un auteur dont le talent vient une fois encore d’être récompensé par de nombreux prix et notamment le Prix des Libraires pour “Le Soldat désaccordé“, paru l’an dernier aux Forges de Vulcain ! En dépit d’un emploi du temps chargé, Gilles Marchand a très gentiment accepté de répondre à mes questions et je l’en remercie très chaleureusement : Je vous laisse à présent découvrir ses réponses… Belle découverte et bonne lecture !

Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
C’est toujours difficile de répondre à cette question car je crois qu’on ne sait jamais exactement quel auteur on est. Peut-être même que c’est ce qu’on cherche, livre après livre. D’ailleurs on n’est pas non plus le même auteur en fonction de l’histoire que l’on raconte…
Sinon j’écris des nouvelles et des romans. Et je dirais que je suis un auteur qui, sans prétention aucune, est très attaché au style. J’aime bien raconter des histoires mais je suis très attaché au rythme de mon texte, à la musicalité des phrases.

« Le soldat désaccordé »… Un nom pas banal pour un roman passionnant : Comment s’est-il imposé à toi ?
En fait il ne s’est pas imposé tout de suite, car le titre de travail était « Bouquet d’obus ». L’image était belle mais les sonorités ne l’étaient pas selon mon éditeur et moi. En outre, je voulais qu’il y ait une référence à la musique dans le titre, comme pour « Requiem pour une Apache ». Et puis cet aspect « désaccordé », c’est aussi une référence à ces soldats qui sont comme des instruments désaccordés avec lesquels on joue quand même une partition : Ce sont des gens qui ne sont pas calibrés pour la guerre mais qui doivent malgré tout la faire. J’aimais bien cette idée d’hommes qui ne sont pas bien accordés au monde dans lequel ils vivent. Enfin, le héros de mon livre est un poète, je souhaitais donc qu’il y ait quelque chose de poétique dans le titre.

Qui de l’enquête ou de ses protagonistes s’est invité en premier dans ton imaginaire ?
C’est la fille de la lune qui est arrivé en premier. J’imaginais une femme errer dans l’endroit le plus inhumain du monde, donc le No man’s land. J’ai imaginé qui elle pouvait être et qui pouvait la chercher. Dans un premier temps d’ailleurs, j’avais envisagé que ce soit son fils qui parte à sa recherche. Mais j’avais davantage envie de raconter une histoire de couple plutôt qu’une histoire filiale.

Pourquoi avoir choisi de remonter le temps et plus particulièrement de t’arrêter au lendemain de la Première Guerre mondiale ?
Tous mes romans se déroulent plus ou moins à la même période, fin des années 1970, début des années 1980. Pour ce roman, j’avais envie de changer, j’avais envie de me mettre un peu en danger, de sortir de ma zone de confort. Je ne voulais pas reprendre la même recette avec des copains qui se retrouvent dans des cafés pour se raconter leurs histoires en écoutant les Beatles et les Doors. Je voulais me confronter à une autre période, à un autre vocabulaire, à une autre façon de s’exprimer.
Et la Première Guerre mondiale m’a toujours fasciné. C’est la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, un moment où la civilisation va plutôt dans le bon sens mais se fracasse abominablement. Ensuite viennent les années 1920, les années folles où tout le monde fait semblant et essaie d’oublier, se persuade que c’était la « der des ders ». J’ai toujours trouvé fascinant de voir comment on passe de l’apocalypse à la fête en quelques années et sans avoir résolu le problème avant de revenir à une autre forme d’apocalypse peu de temps après…

Au-delà de l’intrigue elle-même, c’est aussi l’histoire d’amour qu’on y découvre qui se révèle tout à fait belle et bouleversante : d’où t’est-elle venue ? Comment l’as-tu intégrée ?
Elle vient de bien plus loin que le roman. Elle vient de Roméo et Juliette, Tristan et Iseut, Héloïse et Abélard, Paul et Virginie. J’avais envie d’une histoire d’amour contrariée, confrontée à une forme d’opposition, que l’Histoire fasse qu’ils ne puissent plus se voir. J’avais envie qu’il y ait cet amour absolu et ce manque. Et puis la situer en Alsace me permettait aussi de raconter beaucoup de choses qu’on ne lit pas forcément dans les manuels d’histoire : Que signifie être Alsacien entre 1914 et 1918, quand on est à la fois Alsacien, Allemand et Français ? On m’a toujours appris qu’on avait délivré les Alsaciens mais, quand on se penche un peu sur la question et qu’on se heurte au déchirement des nationalismes, on constate que c’est beaucoup plus compliqué que cela…

Une intrigue soutenue par une plume absolument magnifique et envoûtante, tout à la fois musicale et poétique : En avais-tu seulement conscience ?
Je pense que c’est assez conscient car je suis très attaché au rythme de mes phrases, de mes mots. Je ne dis pas que je bats la mesure pour écrire, mais souvent j’hésite à prendre ma guitare ou mon clavier d’ordinateur. Et puis j’avais déjà mon projet de lecture musicale pour mon précédent roman, je savais que j’allais aussi monter celui-ci en spectacle, avec de la musique pour l’accompagner. Mais paradoxalement, il y a tout un passage écrit en alexandrins, au départ je pensais vraiment que ce serait le point d’orgue du spectacle avant de réaliser que les alexandrins se suffisaient à eux-mêmes, outre le fait que cela en disait beaucoup trop sur le livre que je ne voulais pas complètement dévoiler dans le spectacle. Parfois la musique s’invite ou bien les mots s’imposent…

A travers ce roman, tu retranscris remarquablement bien l’époque, ses zones d’ombres, ses drames, ses difficultés : Comment as-tu travaillé ces éléments de contexte ?
J’ai d’abord lu beaucoup de romans d’écrivains ayant fait la guerre, notamment Henri Barbusse, Maurice Genevoix, Roland Dorgelès, Blaise Cendrars, ou bien Erich Maria Remarque du côté allemand. En parallèle je me suis rendu sur les sites de la Première Guerre mondiale, à Verdun, à Vimy ou sur les bords de la Marne. Je suis aussi allé visiter de nombreux musées comme le musée de l’Armée à Paris ou bien le Mémorial de Verdun. J’ai également écouté beaucoup de podcasts réalisés pour le centenaire de la Guerre, à peu près toutes les radios y ont consacré des émissions, et sur des questions qui sont assez peu abordées en littérature. Cela m’a ouvert pas mal de pistes de réflexion.

Tu as récemment reçu le Prix des Libraires pour ce titre : quel effet cela fait-il de voir son roman ainsi récompensé ?
C’est juste incroyable. J’avais déjà reçu quelques très jolis prix comme le Prix Eugène Dabit du roman populiste et le Prix Naissance d’une œuvre. Mais le Prix des Libraires est un des plus beaux prix parce que les libraires sont les premiers passeurs d’histoires et de passion, ils lisent énormément donc choisissent un livre parmi les milliers parus au cours de l’année précédente, c’est une vraie marque de confiance et c’est assez inimaginable.

Un Prix décerné par les libraires de la France entière : cela ne met-il pas une certaine pression pour la suite ?
Ah si, un petit peu mais de toute façon j’ai repoussé mon prochain roman d’un an. Pas tellement à cause de la pression car j’ai la chance d’être chez un éditeur indépendant. Mais j’ai vécu quelque chose d’incroyable avec ce roman, donc je me dis qu’il est probable que le roman suivant ait un peu moins de succès. Donc la pression, j’essaie de ne pas y penser. Je reste sincère et je raconte l’histoire que j’ai envie de raconter, de la manière dont j’ai envie de la raconter. Le premier plaisir, il faut que ce soit moi qui l’éprouve, évidemment il y a des moments difficiles car c’est du travail mais il faut que je prenne du plaisir à écrire.

Et maintenant, où, quand et avec qui comptes-tu nous emmener pour ta prochaine intrigue ? Quels sont tes projets littéraires ?
Je travaille sur un projet de BD et un projet de recueil de poésie, mais il est encore trop tôt pour en parler. Quant à mon prochain roman, oui, je sais où il va nous emmener. J’ai la première phrase, j’ai la trame car j’étais censé le rendre bientôt, donc je sais déjà ce que je vais raconter, ce que j’ai envie de raconter. Je sais qu’il y aura encore une histoire d’amour.
Pour « Le soldat désaccordé », de nombreuses rencontres, et notamment des lectures musicales, sont encore prévues jusqu’en début d’année prochaine. Je serai notamment au Festival du Haut Quercy les 9 et 10 septembre, au Café librairie « Au bord du monde » à Plérin le 23 septembre, au Salon des livres d’en haut à Lille les 30 septembre et 1er octobre, au Salon du livre de Vesoul les 14 et 15 octobre, à Sauzé Vaussais le 24 octobre et à St Varent le 25 octobre dans le cadre du Festival Terre de Lecture, je serai également à la Fête du Livre du Var à Toulon du 17 au 19 novembre.

Un immense merci à Gilles Marchand, non seulement pour avoir accordé ce bel entretien, mais aussi pour “Le Soldat désaccordé“, passionnant et bouleversant roman que je vous invite à découvrir sans tarder si vous ne l’avez pas déjà fait !

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