The place to read… Avec Mathieu Persan !

Alors que la Foire du Livre de Brive se profile à l’horizon, je ne suis pas peu fière de vous présenter celui qui, cette année, est à l’origine de son affiche ! Une magnifique affiche réalisée par un brillant illustrateur que j’admire depuis longtemps… Quelle ne fut donc pas ma joie de découvrir qu’il était aussi l’auteur d’un premier roman ! Un livre que j’ai ENFIN pu me procurer, griffé d’une petite dédicace, au Salon “Livres en Vignes” en septembre dernier, pour le bouquiner dans la foulée ! Il me fallait alors vous le faire découvrir à mon tour, aussi j’ai sollicité Mathieu Persan qui, en dépit d’un emploi du temps chargé, a très gentiment accepté de répondre à mes petites questions indiscrètes ! Je vous laisse donc découvrir ses réponses : Belle rencontre et bonne lecture !

Quel auteur êtes-vous ? Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis illustrateur, je travaille beaucoup dans le milieu de l’édition pour réaliser des couvertures de livres. Je pense que c’est compliqué pour moi de me considérer comme un auteur. Disons que j’ai écrit un livre parce que j’ai souhaité raconter une histoire qui m’est arrivée. Écrire n’a jamais été un objectif ou un rêve pour moi. C’est arrivé parce que, sans savoir vraiment pourquoi, j’en ai eu envie, et besoin peut-être également. Après, lorsque l’on écrit sur soi, quelque chose de personnel, l’écueil est de ne parler qu’à soi. C’était le doute que j’avais lorsque j’ai commencé. Cette histoire si personnelle allait-elle pouvoir toucher, parler au-delà de mon petit cercle ? Avais-je écrit un livre, ou une histoire à partager en famille ?

Vous avez longtemps côtoyé le monde du livre avant de devenir auteur à votre tour : quel a été votre déclic ? Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre la plume ?
Je suis persuadé que travailler dans le monde de l’édition à travers mon activité d’illustrateur a été fondamental. Du dehors, l’édition est un grand monde qui peut paraître inaccessible, et qui peut impressionner. Voir comment se font les livres, comprendre le rôle de chacun m’a permis de démystifier un peu tout ça. Si, au départ, l’autrice ou l’auteur a une idée qui germe dans son cerveau, la création d’un livre n’est pas seulement solitaire. Toute une galaxie de métiers et de gens, souvent passionnés, gravitent autour pour faire de cette idée un bon livre, qui rencontre les lecteurs.
Quand on voit tant de gens autour de soi qui écrivent, qui travaillent dans ce domaine, la passion dégouline un peu sur vous. Peut-être aussi que je me suis senti « autorisé » à m’essayer à l’écriture. Enfin, ce qui m’a poussé à écrire, c’est évidemment l’histoire que j’avais envie de raconter. Dès le décès de ma mère, j’ai su qu’il y avait quelque chose à dire de ce monde parallèle de la mort, dans son côté très pratique (le choix du cercueil, les démarches administratives, le cérémonial de l’enterrement, etc.). Au départ, mon idée était vraiment de ne faire qu’un livre drôle sur un sujet triste. Et puis, en écrivant, je me suis pris au jeu, ou pris au piège. Parce qu’il fallait donner du contexte à tout cela. Il fallait donc aller au-delà des événements et raconter la vie, les gens, ma mère en particulier, bien vivante, dans tout son amour et dans toutes ses contradictions.

« Il ne doit plus jamais rien m’arriver »… Un titre accrocheur pour un roman pas banal : Comment est-il né ?
Le titre est venu assez naturellement. Le seul doute que j’avais était peut-être sa longueur. Cette phrase, c’est ma mère qui l’a prononcée lorsqu’elle a accouché pour la première fois. Elle signifie que sa vie de femme allait s’arrêter, qu’elle serait une mère exclusivement dédiée à son rôle. Qu’elle décidait de faire ce choix, de manière parfaitement éclairée. Peut-être aussi pour fuir la femme qu’elle ne voulait plus être. Peut-être aussi parce que, précisément, il lui était arrivé quelque chose.

Si l’on affronte la mort et l’on combat la maladie, le roman nous arme de courage et célèbre la vie : D’où vous est venue cette idée ?
Je ne suis pas quelqu’un qui aime le pathos. Il était hors de question de larmoyer dans ce récit. Je crois ne rien avoir réellement calculé en écrivant. Mais j’avais aussi envie de rendre hommage à ma mère, à mon père, à la famille. Évoquer des scènes de mon enfance joyeuse, des moments de vie de ce couple parfois antagoniste mais qui avait su créer une complicité et une famille heureuse.

Une histoire presque viscérale dans laquelle on évoque aussi le courage d’une mère, le soutien d’une famille, la puissance de l’amour : En quoi était-ce important à vos yeux ?
Il y a des familles où on n’arrête pas de dire qu’on s’aime pour se détester sous cape. La mienne, c’était le contraire. C’était l’amour prouvé tous les jours, sans les mots, sans les étreintes, mais dans les yeux. Je dis dans le livre qu’avant d’être un couple, mes parents étaient une équipe. C’est cet esprit, je crois, loin des clichés de l’amour ou de la passion. C’est œuvrer au bien des autres, de sa famille, mais pas uniquement.

Pourquoi avoir pris le parti d’aborder des sujets si sombres avec autant de douceur, de poésie et même une certaine légèreté ?
Tout est vrai dans ce livre. Des scènes les plus touchantes aux scènes les plus loufoques. Je n’ai pas vraiment fait le choix de la légèreté, elle s’est imposée par les événements que j’ai vécus. Pour avoir parlé avec des lectrices et des lecteurs qui ont connu également la perte, les préparations d’enterrement, je crois que c’est quelque chose de très courant. On est dans un état d’esprit particulier, dans une réalité autre, sans encore être forcément dans la tristesse ou le manque. C’est un moment où le monde se met à nu et nous montre toute son absurdité. Et la seule réaction possible pour ne pas sombrer, l’instinct de survie, pour moi en tout cas, c’est le rire.

Un roman qui rend aussi hommage à ceux qui restent : Était-ce conscient de votre part ?
Pas au départ, non. Mais je me rends compte que ce livre est aussi un hommage à mon père. Mais la pudeur étant ce qu’elle est, nous n’en parlons pas trop. C’est un hommage à leur couple, à leur façon de faire famille, à leur éducation, et aux valeurs qu’ils nous ont transmises.

Si je vous dis que j’y vois là une intrigue extraordinaire parce qu’elle sublime l’ordinaire : Qu’en pensez-vous ?
Ce que j’ai découvert avec cette expérience nouvelle pour moi de la mort de quelqu’un de très proche, c’est le décalage entre l’image fantasmée, presque cliché, du deuil, transmise par la littérature, le cinéma, la musique, les médias aussi, qui créent une forme d’attente de ce que l’on devrait ressentir, et la réalité terriblement terre-à-terre qui vous tombe dessus au moment de la mort et qui vous plonge dans un état parfaitement inconnu, et très déstabilisant. A-t-on le droit de ressentir une forme d’excitation à l’approche de la mort d’un être aimé ? A-t-on le droit de rire quelques minutes après la mort ? Il y a là quelque chose d’intéressant où l’on s’attend à devoir ressentir des émotions parce qu’il y a comme une sorte de norme sociale qui nous pousserait, nous influencerait, alors que la réalité est tout autre.

Un roman suivi d’une parenthèse illustrée puisque paraît bientôt « Rétrovisions » : pourriez-vous nous en parler ?
Il s’agit d’un recueil de près de 400 illustrations réalisées ces 10 dernières années. Un gros livre de 2,3 kg ! On y retrouve une grande partie de mon travail sur les couvertures de livres, des images de presse, et beaucoup d’affiches que j’ai réalisées pour partager mon regard sur l’actualité. L’illustration est un média très puissant, malléable, qui permet de transmettre beaucoup d’idées en une seule image. C’est ce que je tente d’expliquer dans ce livre. Car, outre les images, j’ai voulu montrer ce qu’était le métier d’illustrateur, comment j’y étais venu et pourquoi il me passionnait. Il y a donc également de nombreux textes qui accompagnent les images.

Votre roman est paru cette année mais avez-vous déjà une idée pour un prochain livre ? Quels sont vos projets littéraires désormais ?
Je me suis souvent dit que je serai l’auteur d’un seul livre… Mais force est de constater que l’on prend goût à l’écriture. Néanmoins, le passage au deuxième livre est d’autant plus compliqué lorsque le premier est un récit autobiographique. Que raconter ? Pourquoi le faire ?
Exactement comme pour une illustration, je ne souhaite pas raconter une histoire « gratuite ». J’ai besoin d’un point de vue, d’un angle, d’un ton, et d’avoir quelque chose à dire. Aujourd’hui, je pense avoir trouvé l’histoire et les personnages qui me permettent de transmettre un certain nombre d’idées qui me tiennent à cœur. Mais comme tout projet au long cours, il est difficile de savoir si j’arriverai à un résultat qui me satisfera. Dans ce genre d’exercice, le travail ne signifie pas toujours la réussite. C’est peut-être aussi ce qui fait le sel de l’écriture.

Encore un immense merci à Mathieu Persan pour cet échange ! Je vous invite désormais à découvrir “Il ne doit plus jamais rien m’arriver” si vous ne l’avez pas encore fait… Et pourquoi pas dédicacé si vous êtes du côté de Brive ce week-end !

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