Profitant de la nouvelle opération “Les Louves sortent du bois“, lancée début novembre en France et en Belgique afin de mettre en lumière leurs passionnants écrits, c’est avec un immense plaisir que j’ai parlé des Louves du Polar que je connaissais déjà… Mais c’est avec autant de curiosité que je suis aussi allée fureter parmi la meute pour découvrir les Louves du Polar que je ne connaissais pas… Pas encore ! C’est ainsi que j’ai croisé la route de Gabrielle Massat, jeune autrice que je n’ai encore jamais bouquinée ! Je l’ai donc sollicitée pour une petite interview : un échange savoureux qu’elle m’a très gentiment accordé ! Aussi je la remercie vivement de s’être si volontiers prêtée au jeu de mes petites questions indiscrètes et vous laisse à présent découvrir ses réponses : Belle rencontre et bonne lecture !
Quelle autrice êtes-vous ? Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis une autrice-castor : je bâtis des trucs biscornus et dont personne ne sait vraiment à quoi ils servent. Les castors, ce sont des barrages, moi, ce sont des polars. (Spoiler : les barrages des castors leur permettent de garder l’entrée de leur terrier immergée, pour les protéger des prédateurs. De rien.)
Plus prosaïquement, je suis née en 1991 et je vis au fond d’une forêt dans le Tarn. En plus de mon travail d’autrice, je suis kinésithérapeute.
J’ai commis deux polars : « Le Goût du rouge à lèvres de ma mère » (2020), qui suit les tribulations d’un indic pas comme les autres, et « Trente Grammes » (2021), qui est une sombre histoire de trafic d’art et d’overdose de paracétamol. Deux histoires à cent à l’heure, pleines de suspense et d’émotions.
Autrice et lectrice : Quelle place tient la lecture dans votre vie ?
La lecture me permet de mieux vivre. Cela paraît très emphatique, mais c’est vrai : la lecture m’apaise, me libère et me grandit. Je veille donc à lui laisser une vraie place dans ma vie qui en manque cruellement… Gare à celui ou celle qui m’interrompt pendant ma pause repas-lecture du midi !
Y a-t-il un livre/auteur qui vous a poussée à prendre la plume ? Quel a été votre déclic ?
« Mystic River » de Dennis Lehane. J’étais collégienne, et j’enchaînais les lectures moyennement enthousiasmantes (dont une bataille épique contre « Le Silmarillion »). J’ai décidé de piquer « Mystic River » dans la bibliothèque de ma mère. Quelle claque ! Je me rappelle m’être dit « on peut vraiment faire ça, quand on écrit ? Alors c’est ça que je veux faire ! »
Que diriez-vous pour nous présenter votre bibliographie ? Pourriez-vous nous parler de vos différents écrits ?
« Le Goût du rouge à lèvres de ma mère » raconte l’histoire d’un truand minable, aveugle depuis l’adolescence, qui se retrouve à jouer les indics pour aider la police à élucider le meurtre de sa mère, une proxénète redoutée.
« Trente Grammes », c’est la course contre la montre d’un trafiquant d’art qui vient d’échapper à une vendetta et doit, pour protéger son compagnon, mettre en lieu sûr une toile volée à plusieurs millions d’euros.
Ces deux romans ont en commun un protagoniste marquant et atypique, que l’intrigue va mettre face à ses démons. Ce sont des histoires à tiroirs, au ton sombre, plein d’ironie, et au rythme trépidant.
Comment vos intrigues s’immiscent-elles dans votre imaginaire ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je puise mes idées dans mon vécu, ou parfois dans des problématiques sociales plus générales, qui m’interpellent et sur lesquelles j’ai envie de travailler. Par exemple, l’idée de « Trente Grammes » m’est venue en écoutant un documentaire sur les faussaires et la face cachée du marché de l’art : j’ai tissé mon intrigue à partir de ce sujet très général, et je l’ai resserrée pour en faire la quête intime d’un jeune trafiquant. Pour « Le Goût du rouge à lèvres de ma mère », à l’inverse, c’est le personnage de Cyrus qui a imposé son tempo. C’est sa problématique autour de son rejet de soi et du poids de son hérédité qui ont tissé l’histoire.
Comment expliquez-vous avoir basculé du côté obscur de la littérature ?
La littérature noire est une littérature sociale et populaire. C’est, pour moi, un espace de liberté créative total. Ce genre littéraire a cela de merveilleux qu’il met le divertissement au centre de l’œuvre, tout en laissant toute latitude à une réflexion profonde sur le monde dans lequel nous vivons. Et pour citer ma grand-mère : « quand on a lu un polar une fois, tout le reste paraît ennuyeux ! »
Autrice et Louve du Polar : Pourquoi avoir choisi de rejoindre ce collectif solidaire ?
Il y a tant à faire et à dire concernant la situation des autrices dans la littérature noire… Je voulais apporter ma modeste contribution à cette lutte pour l’égalité.
Seul(e) on va plus vite… Ensemble, on va plus loin : Que vous apportent les Louves depuis la création du collectif ?
Un vrai soutien, un dynamisme incroyable, et beaucoup d’enseignements. Ce collectif donne tout son sens au mot « sororité ».
Question pêle-mêle : Quel est…
• Votre livre de chevet ? On dit qu’un magicien ne révèle jamais ses secrets, mais… « L’anatomie du scénario » de John Truby. Un trésor pour quiconque s’intéresse à la dramaturgie moderne. J’en relis régulièrement des passages quand je prépare mes romans.
• Le livre qui cale votre bibliothèque ? « Blacksad » – tome 6, mais c’est parce que je l’ai en double. C’est une excellente série, foncez si vous ne l’avez pas encore lue !
• Le livre que vous auriez rêvé d’écrire ? « Tout ce qui meurt » de John Connolly. C’est un premier roman qui n’est pas exempt de défauts, mais qui m’a profondément bouleversée. Sa noirceur poisseuse, la puissance de ses personnages, son mélange des genres très audacieux… Pour moi, ce roman, lors de sa sortie, a proposé quelque chose de fondamentalement nouveau, et l’a fait avec une sorte de… d’aplomb, peut-être, qui force le respect. Alors oui, j’aurais été très fière de l’avoir écrit. D’ailleurs, lisez-le.
• Votre lecture en cours ? « Le Silence » de Dennis Lehane. Comme à peu près tous les polardeux en ce moment, non ?
Si vous deviez comparer votre vie à un roman, lequel serait-ce ?
Un mélange entre « Fight Club » et « Tchoupi ». Je vous laisse méditer là-dessus.
Avez-vous déjà une idée pour vos prochaines pages ? Quels sont vos projets littéraires ?
Mon prochain roman est déjà bien avancé. Il nous emmènera dans le milieu sinistré de la Protection de l’enfance. Nous y suivrons la quête d’absolution d’un travailleur social broyé par le système, et sa quête pour retrouver une mère disparue. C’est un texte qui a le même ADN que les précédents, mais avec une fibre plus sociale, je dirais.
Un petit mot pour la fin ?
Merci pour cette interview ! Vous reprendrez bien un peu de thé ?
C’est moi qui remercie Gabrielle Massat pour cette belle interview ! Ses deux romans se trouvent en bonne place dans ma PAL et je devrais vous en parler très bientôt : N’hésitez pas à en faire de même si vous n’avez pas encore croisé sa plume !