Mes petits Bookinautes chéris : Parce que je n’ai pas l’habitude de faire les choses à moitié, c’est avec un plaisir immense que j’ai pu débuter cette année 2024 en compagnie d’un auteur exceptionnel pour une interview qui l’est tout autant ! L’occasion d’évoquer son dernier roman et les prestigieuses distinctions qui l’ont récompensé avant de revenir sur son entière bibliographie et ses propres lectures… Mes Bookinautes chéris, je remercie chaleureusement Jean-Baptiste Andrea de m’avoir accordé de son temps pour répondre à ces quelques questions dont je vous laisse à présent découvrir les réponses : Belle rencontre et bonne lecture !
Quel auteur es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis quelqu’un qui a du mal à se présenter en quelques mots… Et qui a 52 ans.
Y a-t-il un livre/auteur qui t’a poussé à prendre la plume ? Quel a été ton déclic et pourquoi écris-tu ?
Non, pas de déclic particulier. C’est mon mode de communication naturel, comme d’autres utiliseraient la musique ou le dessin. Je pourrais faire de grandes phrases pour expliquer pourquoi j’écris, mais la vérité est que je n’en sais rien. Je sais juste que je me sens bien quand je le fais.
Paru en août 2023 aux éditions de l’Iconoclaste, ton roman “Veiller sur elle” nous conte l’histoire d’un amour impossible… Mais n’est-ce pas réducteur de le résumer ainsi ?
Si… 😊 Mais en marketing il faut des concepts simples. En réalité, le livre est surtout, comme tous mes livres, le récit du combat épique entre la lumière que nous portons tous en nous et les forces nombreuses, exogènes ou endogènes, qui tentent de l’éteindre.
Plus qu’une simple aventure et contrairement à tes précédents titres, ton roman nous offre aussi un véritable voyage dans l’Italie du XXème siècle… Peut-on y voir là comme un besoin de renouer avec ta propre histoire et tes racines ?
Tout à fait. J’ai été coupé de cette culture, tout en y étant exposé constamment car j’ai grandi et habite toujours pas loin de l’Italie. C’est un pays d’art et de fantasmes. Ecrire en Italie, c’était un peu y vivre.
Au fil de l’ouvrage, nous suivons Mimo et Viola, deux êtres que tout oppose et qui, chacun à leur manière, semblent vouloir s’affranchir du carcan qu’on leur impose : En avais-tu seulement conscience ? Toi-même aspirais-tu à cette liberté en prenant la plume ?
Oui c’est une autre façon d’exprimer le combat dont je parlais entre l’ombre et la lumière. La réalisation de mon premier film a été un geste de liberté, contre un monde (celui des autres, celui de la raison, celui du confort) qui m’enjoignait de ne pas faire ce métier. Et quand je me suis senti à l’étroit dans le cinéma, incapable de grandir, je suis passé à la littérature. Là, pour la première fois, j’ai eu la sensation de m’épanouir pleinement, de voler. Peut-être que c’est finalement pour ça que j’écris, pour être libre. Un mot à prendre dans son acception la moins grandiloquente, c’est à dire pour pouvoir, chaque jour, faire ce qui me plaît.
“Veiller sur elle”, c’est aussi l’histoire d’une mystérieuse pietà, une œuvre façonnée par Mimo mais conservée dans le plus grand secret pour ce qu’elle provoque chez ceux qui lui accordent un regard… Voulais-tu par là nous faire vivre et ressentir l’expérience du beau ?
Bien sûr, l’art est vraiment un projecteur qui débouche l’horizon quand il est noir, qui nous fait toucher à quelque chose de plus grand que nous-même. Il y avait la même notion dans “Des diables et des saints“. L’art est salvateur mais il faut pouvoir le voir.
S’il est évidemment question de sculpture à travers tes mots, ces derniers pourraient très bien évoquer l’écriture… Au-delà de vos talents respectifs, Mimo et toi ne nous faites-vous pas plutôt une magistrale démonstration de l’art… De nous émouvoir ?
Je ne sais pas si c’est magistral (mais merci). Mimo est bien évidemment mon alter ego. Peu importe que lui se serve de pierre, moi de mots ou un autre de musique, nous faisons tous le même métier. Et oui, je crois que la fonction la plus évidente et première de l’art est de nous émouvoir, ou plus exactement de raconter, au sens de choquer, faire rire, peur, provoquer, emporter, bouleverser.
De toute noirceur peut jaillir la lumière comme nous le prouve si bien Viola au fil de cette intrigue bigrement romanesque… D’où vient la lumière selon toi ? Est-on vivant tant qu’on rêve encore ? Tant qu’on résiste encore ?
Très belle question. La lumière est en nous, chez les autres, dans un regard, un geste, une attention, un paysage, Elle est partout. Il est évidemment difficile de la voir quand le monde explose autour de soi. Quand je parle de lumière, ce n’est pour moi ni un concept religieux, ni de développement personnel. Il y a une notion de combat associée à ce mot dans mon esprit. La lumière doit se conquérir, et les circonstances de nos vies rendent cette conquête plus facile ou plus difficile. C’est un instinct de survie.
Six ans… Quatre romans… Un Prix du roman FNAC doublé d’un Prix Goncourt : Si elles sont évidemment synonymes d’un bonheur immense, ces prestigieuses récompenses, soutenues par tes lecteurs avec beaucoup d’éloquence, ne te mettent-elles pas également une certaine pression pour la suite ? Quels sont désormais tes projets ?
Je suis en tournée et en jachère mentale, comme toujours après un livre. Chaque livre est un miracle, un défi personnel, un combat contre moi-même. Les prix n’ont pas d’incidence sur l’écriture. Si j’étais alpiniste et que j’avais fait l’Everest, je ne m’arrêterais pas pour autant de grimper. Je ne recherche pas l’exploit ou le « davantage », ce qui est impossible avec un Goncourt, juste à affiner un geste que je pratique depuis longtemps.
“Veiller sur elle”… Un magnifique roman primé qui nous rappelle aussi qu’il s’agit là d’un travail d’équipe, dès lors on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour ton éditrice, la très regrettée Sophie de Sivry : Au final, qui a veillé sur qui ?
Sophie est une telle part de ma vie, de nos vie, que je suis dans une forme de dialogue permanent avec elle. C’est une présence qui a simplement cessé d’être physique, pas moins présente.
Question pêle-mêle : Quel est…
– Ton livre de chevet ? Aucun.
– Le livre qui cale ta bibliothèque ? J’ai des étagères intégrées, pas besoin de les caler. J’aime par ailleurs les objets bien faits, ça me rendrait fou de devoir caler un meuble avec un livre.
– Le livre que tu aurais rêvé d’écrire ? Il y en a beaucoup. Disons “À l’Est d’Eden“. Ou “Martin Eden“. Apparemment j’aime les livres avec “Eden” dans le titre.
– Ta lecture en cours ? “Les Enfants de la Cité-Jardin” de Dan Nisand ET “Vivre vite” de Brigitte Giraud.
Si tu devais comparer ta vie à un roman, lequel serait-ce ?
Dur à dire. Ma vie n’est pas un roman, au sens où elle compte des passages tellement ennuyeux et longs qu’il faudrait les couper, et des joies si folles qu’elles paraîtraient irréalistes. Il vaut mieux que ça reste ma vie.
Encore un immense merci à Jean-Baptiste Andrea qui s’est très gentiment soumis à ce petit interrogatoire littéraire, me permettant ainsi de vous le faire (re)découvrir avec sa bibliographie, dont chaque œuvre est une pépite dans laquelle je vous invite à plonger si vous ne l’avez pas encore fait !