Coup de cœur pour cet implacable polar au Pays du Soleil Levant : “La colère d’Izanagi” de Cyril Carrère, paru le 21 février 2024 aux éditions Denoël, dans la collection Sueurs froides.
Le pitch : Tokyo. Un incendie criminel ravage le cœur de l’un des plus grands quartiers d’affaires au monde. L’enquête est confiée à Hayato Ishida, flic prodige mais solitaire qui tente de se reconstruire en marge de la Crim. Il est rejoint par Noémie Legrand, Franco-Japonaise décidée à briser les chaînes d’un quotidien frustrant. Sur leur chemin, un couple d’étudiants dans le besoin, à la merci d’une communauté où solidarité rime avec danger. Et, tapi dans l’ombre, celui qui se fait appeler Izanagi, bien décidé à mettre son plan destructeur à exécution. Avec un art consommé du suspense et une construction d’orfèvre, Cyril Carrère tisse une intrigue captivante dans un Japon sombre et contemporain.
Mes petits Bookinautes adorés : Vous voici face à mon premier vrai gros coup de cœur en littérature noire cette année ! Le pari n’était pourtant pas gagné, n’étant pas friande des polars asiatiques, que je trouve trop lisses, fades et propres, sans saveur, trop cliniques. Mais si l’intrigue se déroule au Japon, l’auteur est français cette fois-ci… Et ça change quoi, me demanderez-vous ? Et bien cela change absolument tout !
Pour son cinquième roman, Cyril Carrère nous emmène avec lui sur les terres qui l’ont accueilli depuis six ans, un vécu si prégnant qu’il fait toute la différence et nous permet ainsi bien plus qu’un simple voyage littéraire au profit d’une véritable expérience enrichissante et immersive : Vous découvrez alors le territoire nippon le plus authentique qui soit, ses paysages, son atmosphère mais aussi sa population, son modernisme mais aussi sa culture et ses traditions. Un décor tel qu’il vous happe et vous attrape sans délai : Aller simple, direction Tokyo s’il vous plaît !
Non content de nous offrir un séjour Erasmus au prix d’un bouquin, l’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin, nous coupe le souffle et nous assène un uppercut dès le prologue avant de nous dévoiler une (double) intrigue particulièrement retorse, minutieusement construite et machiavéliquement menée, dont il maîtrise le suspense comme personne, dont il gère les rebondissements de main de maître, dont il distille les indices avec une redoutable subtilité, dont lui seul détient la clé du dénouement qu’on ne voit décidément pas venir, lequel nous fait d’ailleurs dire des grossièretés sitôt qu’on l’a pris… De plein fouet, vous vous en doutez : La définition parfaite d’une lecture prenante, palpitante et addictive !
Mais l’histoire ne le serait pas tant sans une poignée de personnages étoffés en substance et dotés d’un vrai supplément d’âme. Je me suis immédiatement attachée à Hayato Ishida – qui m’a fait penser à “L” dans le manga “Death Note” – mais également à Noémie, deux enquêteurs que tout oppose mais qui forment un formidable duo aussi insolite que brillant, une “Cellule Sakura” qu’on espère VEUT retrouver pour de prochaines aventures. Vite TRES VITE. (Le message est-il passé, Cyril ?). Un mot également s’agissant du magnifique couple d’étudiants – Kenta et Suzuka – que je vous laisse rencontrer à travers ces pages… Autant de protagonistes qu’on identifie d’emblée et sans difficulté, aux côtés desquels on vibre de la première ligne jusqu’à la dernière page tournée tant il nous submerge d’émotions.
Ainsi l’auteur nous livre un polar bigrement captivant et contemporain, à travers lequel il aborde des thématiques fortes, tout à la fois actuelles – le darknet et les réseaux sociaux – et intemporelles – la famille, le deuil, l’amour -, le tout servi par une plume incroyablement fluide, visuelle et agréable, un style dynamique, efficace et soigné : Comprenez-vous pourquoi il s’agit là d’un coup de cœur ?
En bref, Cyril Carrère nous fait un merveilleux cadeau avec ce roman, sans aucun doute son plus personnel, son plus abouti, son plus audacieux, son plus réussi : Un polar que lui seul pouvait écrire. Il a osé, il a bien fait ! Alors foncez en librairie vous frotter à “La colère d’Izanagi“… Sinon c’est le feu de la mienne que vous attiserez, je peux vous l’assurer !