Chroniques 2025 \ Les âmes féroces de Marie Vingtras

Chronique d’un drame en quatre saisons : “Les âmes féroces” de Marie Vingtras, paru le 19 août 2024 aux éditions de l’Olivier, Lauréat du Prix du Roman FNAC 2024.

Le pitch : « Ici, la nuit est belle. (…) Leo avance de tache de lumière en tache de lumière et entre les deux, elle disparaît presque entièrement. Elle est alors exactement ce qu’elle paraît être : la fille qui glisse le long des murs, calme, discrète. La fille qui s’efface, la fille qu’on oublie. »
Leo n’est pas rentrée et le printemps s’entête dans sa douceur. Leo ne reviendra pas. La shérif Lauren Hobler découvre son corps au milieu des iris sauvages. Autour de la mort soudaine d’une jeune fille, Les Âmes féroces tisse plusieurs destinées. Pour élucider un mystère, mais lequel ? Celui de Leo, peut-être, et de ses silences. Celui de Lauren, coincée dans une petite ville qui ne la prend pas au sérieux. Il y a aussi Benjamin, Seth et les autres… Les gens de Mercy, qui pensent tous se connaître et en savent si peu sur eux-mêmes.
Envoûtant, surprenant et d’une grande ampleur romanesque, Les  mes féroces traque la part d’ombre de chacun.

Si ma lecture remonte à 2021, je me souviens encore m’être laissée emporter par le fascinant “Blizzard” de Marie Vingtras. Aussi avais-je repéré “Les âmes féroces” dès sa sortie en librairie en août dernier, impatiente de découvrir ce second roman que je me suis procurée quelques semaines plus tard, lorsque j’ai rencontré son autrice au salon du “Livre sur la place” de Nancy. Malheureusement ma PAL s’est vite laissée submerger au fil de mes folles tribulations livresques… L’ouvrage s’est ainsi retrouvé enfoui parmi moult nouveautés, et c’est finalement l’annonce d’une table ronde avec l’autrice au salon du livre de Saint-Raphaël à la fin du mois qui lui aura permis de s’en extirper en ce début d’année… Pour mon plus grand bonheur de lectrice passionnée.

Le texte peut paraître oppressant de prime abord, mais c’est pour mieux nous happer de son atmosphère tout à fait singulière. Bienvenue à Mercy, charmante petite ville des Etats-Unis qui porte sa (fausse) miséricorde en bannière, une bourgade sans histoire où il ne se passe jamais rien… Jusqu’à ce que l’une de ses 3974 âmes se fracasse, rende son dernier souffle et s’échoue sur la rive du fleuve, près du pilier du vieux pont…
Si l’on croise et côtoie moult des 3973 citoyens qui restent, l’autrice donne la parole à quatre d’entre eux pour dresser un portrait plus authentique, tant de la ville que de notre société… Car le tableau n’est pas si beau sitôt qu’on s’en approche. Quatre personnages donc, pour quatre parties d’un quadriptyque qui ne s’appréhende en son entier qu’une fois la dernière page tournée. Quatre saisons et autant de transformations du lieu comme des êtres qui l’habitent. Plus qu’une autrice, Marie Vingtras s’avère une conteuse hors pair qui se joue audacieusement des temporalités et sonde les âmes pour dévoiler leur férocité sans en avoir l’air au gré d’un récit qui démarre comme un polar et s’achève comme un roman noir social et sociétal.
En effet, loin de l’apparente paisibilité qu’ils affichent, chacun des habitants connaît bien des tourments, couvre bien des rancœurs, garde bien des secrets. Si les thèmes qu’elle aborde sont ici nombreux, Marie Vingtras s’intéresse surtout aux relations interpersonnelles, à la nature humaine et au regard des autres, et ce avec finesse et sensibilité. En résulte beaucoup d’émotions tandis que les masques tombent et les vérités se révèlent.
C’est subtilement pensé et remarquablement construit, servi par une plume plus fluide qu’il n’y paraît, qui s’adapte à chaque protagoniste dont on partage les souvenirs et les pensées, porté par un style envoûtant d’une redoutable efficacité pour sonner juste, résonner vrai.

En bref, Marie Vingtras manie la plume à merveille et confirme son talent avec ce second roman, lauréat d’une récompense amplement méritée !

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