
Que la lumière éclaire le monde : « La forêt de flammes et d’ombres » d’Akira Mizubayashi, paru ce 14 août 2025 aux éditions Gallimard.
Le pitch : Tokyo, décembre 1944. Embauché dans un centre de tri postal, Ren Mizuki y rencontre deux autres étudiants qui partagent sa passion pour la culture et l’art européens : Yuki, qui deviendra sa compagne, peintre elle aussi, et Bin, un violoniste promis à une carrière internationale, qui restera à jamais son frère d’élection. En 1945, Ren est appelé en Mandchourie dans l’enfer des combats. Défiguré, mutilé, il en rentre persuadé qu’il ne pourra plus jamais tenir un pinceau. L’amour de Yuki sera-t-il capable de renverser un destin ? À travers une histoire particulièrement émouvante, Akira Mizubayashi continue d’explorer ses thèmes familiers : le désastre des nationalismes fauteurs de guerre, l’art, recours essentiel contre la folie des hommes.
De cet auteur, je n’ai bouquiné que son roman « Âme brisée », qui avait reçu le Prix des Libraires, il y a déjà quelques années. J’en avais retenu une lecture d’une grande beauté et un auteur passionné d’art, meilleure défense contre l’obscurantisme. C’est peut-être, consciemment ou inconsciemment, je ne saurais vous dire, ce qui m’a viscéralement attirée vers ce nouveau livre, que j’ai immédiatement repéré parmi les nombreux titres de la rentrée littéraire. J’en profite pour remercier chaleureusement les éditions Gallimard qui m’ont gentiment transmis un exemplaire de cet ouvrage, me permettant ainsi de m’y plonger en avant-première !
Dans ce roman, Akira Mizubayashi nous ramène dans le Japon traumatisé par la Seconde Guerre Mondiale. Pour le (trans)figurer, nous assistons d’abord à la naissance d’une grande histoire d’amour et d’amitié entre trois jeunes étudiants : Ren, Yuki et Bin. Ces trois-là sont des artistes passionnés par la culture européenne… Mais bientôt Ren est appelé à combattre en Mandchourie. Il en reviendra défiguré et mutilé, ses mains volées par un conflit auquel il n’a jamais voulu participer. Vivre pour peindre ou peindre pour vivre ? Toujours est-il qu’il faudra toute la bienveillance et la persévérance de sa compagne pour raviver la flamme de ce jeune homme malgré son handicap. En résultera toute une série de toiles, comme autant de témoignages de sa résilience, de sa renaissance, transcendé qu’il est à travers son art. La beauté dans l’horreur, la lumière dans les ténèbres, l’espoir dans l’affliction.
Portée par trois personnages d’une profonde humanité, dotés d’un véritable supplément d’âme jusque dans leurs silences et dans leurs œuvres, cette histoire n’est pas qu’un roman, c’est aussi une magnifique symphonie des cœurs et plus encore une impressionnante fresque représentant l’existence, ses aléas, ses combats, un tableau qui sublime le mal et la douleur à travers l’art (quel qu’il soit), sa beauté et les sentiments qui le nourrissent (quels qu’ils soient). C’est écrit, décrit avec pudeur, et beaucoup d’éloquence pourtant, c’est d’autant plus vibrant, vivant, bouleversant.
Portée par une plume toute à la fois délicate et incisive, sensible et percutante, l’histoire soulève aussi l’importance de la transmission, à travers le temps et l’espace, au gré des générations. J’aurai d’ailleurs une pensée toute particulière pour Hanna ici, personnage discret mais personnage clé, dont on comprendra le secret qu’avec les toutes dernières lignes du roman, ce qui m’a profondément touchée.
En bref, il est difficile d’expliciter l’intensité de ce roman, tout à la fois doux et puissant, qui nous donne à voir et à écouter les œuvres de nos protagonistes avec ses mots. Je n’ai pas ce talent. Alors lisez-le, vous comprendrez et ressentirez, ce sera bien mieux !