Chroniques 2017 Le ciel ne parle pas de Morgan Sportès

Un épatant roman historique… Et bien plus que ça : “Le ciel ne parle pas” de Morgan Sportès, aux éditions Fayard le 16 août. 

Le pitch : A la manière d’un brillant et captivant professeur d’histoire, l’auteur nous livre ici un roman historique se déroulant dans le Japon du XVIIème siècle, et nous narre plus précisément l’histoire de Christóvão Ferreira, jeune jésuite portugais ayant quitté son pays d’origine pour aller prêcher la bonne parole au pays du Soleil Levant… Une bonne parole à laquelle il renonce pourtant bien vite, après “seulement” cinq heures de mise au supplice de la fosse, apostasie et se convertit au bouddhisme avant d’intégrer l’Inquisition nippone…

 
Ayant l’immense privilège de faire partie des Explorateurs de la Rentrée Littéraire du site Lecteurs.com, c’est dans ce cadre que j’ai reçu ce roman d’un auteur dont je connais le nom mais pas encore la plume… Une bien belle occasion que celle-ci de sauter le pas !
 
Certes coutumier de cette partie du monde, il est toutefois indéniable que l’auteur s’est particulièrement bien documenté pour nous offrir un ouvrage érudit sur la question. Dès lors, l’écrivain ne nous épargne rien quant aux cruautés imaginées par les Japonais, tristement dignes de celles de Romains de l’Antiquité… Pour autant le ton employé est teinté d’une noire ironie qui permet d’alléger le propos au fil des différentes parties et des chapitres qui les composent. Dès lors c’est religieusement (c’est le cas de le dire !) que j’ai lu les propos du Professeur Sportès avec un intérêt d’une rare intensité, captivée que j’étais par le déroulement de cette sombre période de l’histoire nippone, tendant vraisemblablement à anéantir toute trace du christianisme au sein du Japon… Non pas pour la religion en tant que telle, il ne faut pas se leurrer, mais bien plutôt pour la menace que représentait en réalité le Roi d’Espagne derrière elle. C’est aussi fascinant que riche d’enseignement pour moi qui, je l’avoue, ne connaissais absolument rien du Japon, pas plus que je ne connaissais cet épisode de l’histoire de la chrétienté dans le monde…
Une histoire de l’Histoire vouée à se répéter ? Peut-être bien… Car au-delà du récit, l’auteur nous soumet à une intense réflexion presque philosophique sur notre actualité… En effet les Djihadistes qui s’envolent vers la Syrie pour mourir en martyr au nom d’Allah ne sont-ils pas ces Portugais d’hier qui voguaient vers le Japon pour mourir en martyr au nom de Dieu ? Mais la religion ne subit-elle pas quelques maux et travers tant politiques que financiers qui ne lui appartiennent pourtant pas ? Et de Ferreira parlons-en… N’est-ce pas lui qui s’en sort le mieux et sème le doute dans l’esprit de nos fervents croyants ? Est-il le plus grand des traîtres à la chrétienté ou au contraire avait-il finalement raison de renoncer à sa religion pour sauver sa propre vie et assurer ses intérêts ?
D’autres questions du genre, je m’en pose toujours, et je m’en poserai sans doute encore longtemps, tant la plume de l’auteur, originale et soignée, fascinante et décalée (exception faite de ces “Hi Hi !” distillés tout au long du texte que j’ai trouvés agaçants et déplacés) ouvre à d’intenses réflexions et autres remises en question.
 
En bref, “Mettre Ferreira la tête en bas, n’était-ce pas la meilleure façon, la plus subtile, de lui faire voir enfin le monde à l’endroit ? De lui remettre les yeux en face des trous ?” Et nous ?

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