Une trilogie qui ne démontre tout son potentiel qu’à travers ce troisième tome magistral : “La mort dans l’âme” de Mathieu Lecerf, dernier opus de la Trilogie du démon, paru le 11 mai 2023 aux éditions Robert Laffont dans la collection la Bête Noire.
Le pitch : Supplicier la chair, voler leur âme.
Paris, automne 2019.
Le corps d’une femme est découvert sur une péniche à proximité du pont d’Iéna. Le légiste est formel : la dépouille présente des blessures similaires à celles d’autres victimes, des cold cases qui remontent au début des années 1990. Meurtre sauvage et mise en scène macabre : Urizen, le tueur en série qui terrorise Paris depuis plusieurs décennies, semble signer son grand retour…
Le capitaine Manuel de Almeida est chargé de l’enquête mais, seul, il sait qu’il ne parviendra à rien. Pourra-t-il convaincre sa partenaire de reprendre du service ? Et son frère, journaliste devenu romancier, de poursuivre l’enquête à ses côtés ?
Il est difficile de se plonger dans une lecture quand on sait qu’elle sera la dernière aux côtés de protagonistes auxquels on s’est profondément attaché. On sait l’aventure aussi éprouvante que périlleuse, que l’auteur doit se montrer à la hauteur parce qu’on en attend beaucoup et qu’il ne doit pas ajouter de la déception à notre inéluctable désarroi de voir le mot de la fin arriver. C’est la situation délicate dans laquelle je me suis retrouvée en me procurant ce livre au lendemain de sa sortie directement auprès de Mathieu Lecerf au Salon “Lire à Limoges“. J’ai d’abord manqué de courage pour démarrer cet adieu avant d’affronter ma peine et retrouver Cris, Manny et Esperanza pour un dernier tour de page qui fera mal jusqu’à la dernière ligne.
Si la trilogie est formidable, ce troisième livre qui la compose est tout simplement exceptionnel. Sans aucun doute le plus personnel aussi, parce qu’on sent à chaque ligne que l’auteur y a mis bien plus que son sang et ses tripes mais surtout son âme. En résulte une intrigue d’une maîtrise remarquable, particulièrement prenante et haletante, dont la charge émotionnelle est absolument considérable et l’addiction à celle-ci immédiate. Sitôt la première page tournée, nous voilà piégés, condamnés à enchaîner les chapitres afin de découvrir ENFIN l’identité d’Urizen, ce redoutable tueur en série qui sévit depuis trois romans/décennies.
Mais pas seuls, non. C’est en équipe que nous allons traquer ce criminel, suivre les pistes et les indices, remonter le passé jusqu’en Belgique, frissonner face au danger, crier d’une seule voix et laisser place aux sentiments. Car c’est bien avec Cristian, Manuel et Esperanza – personnages abîmés qu’on retrouve comme des amis, dont la résilience et le caractère forcent notre respect et décuplent notre empathie – que nous allons vibrer tandis que l’auteur lève une à une les zones d’ombre pour enfin déployer sa fresque littéraire dans toute son ampleur, toute sa splendeur, pour enfin en révéler toute l’intensité, toute la puissance, pour enfin en dévoiler tout son sens jusqu’à un dénouement d’une beauté rare, aussi sombre que lumineux, aussi saisissant que poétique, terriblement humain et bouleversant, parfaitement imparfait ou imparfaitement parfait parce qu’on n’en voyait pas d’autre. Bravo.
Un troisième titre aussi évocateur que les précédents comme celui de la trilogie, qui ne serait pas si fort sans l’ADN littéraire de son auteur, cette plume fluide, vive et efficace, ce style très visuel et dynamique qui donne toute son humanité à cette grande histoire.
En bref, je crois que vous aurez deviné mon coup de cœur pour ce livre à mes quelques mots qui ont bien du mal à retranscrire tout ce que j’ai ressenti durant cette lecture… Le mieux est donc de vous y plonger à votre tour tandis que je reste persuadée que nous retrouverons ces personnages un jour ou l’autre : Impossible qu’ils n’aient plus rien à nous dire !
Une citation à retenir (P.173) : “Je ne veux surtout pas sacraliser notre assassin. Je n’oublie pas qu’il s’agit d’un homme, composé de chair et de sang. Pas d’un dieu ou d’un démon. Je ne veux pas lui chercher d’excuses. Je ne le compare pas à un monstre ou à un fou : ça serait déjà lui octroyer des circonstances atténuantes. Il n’est pas fou. Pas du tout. Mégalomane, cruel, pervers, certainement. Mais pas fou. C’est juste un homme mauvais, sans aucune empathie pour ses semblables, l’homme tel qu’il est à l’état brut : un animal malade et obscène. C’est ça aussi, Urizen”.