A l’occasion du mois de l’Ultra Noir organisé sur le site BePolar, j’ai pris grand plaisir à retrouver ou découvrir les plumes des fabuleuses Louves du Polar ! Après “Héloïse“, Ophélie Cohen fait son retour en librairie avec “Suspicion[s]“, paru le 10 avril aux éditions IFS dans la collection Phénix Noir. Quant à Luce Michel, elle a écrit plusieurs romans avant de basculer du côté obscur de la littérature avec “Vue mer“, paru le 15 mars 2023 aux éditions Marabout dans la collection BlackLab. Toutes deux ont très gentiment accepté de répondre à mes petites questions indiscrètes : Bonne lecture et belle découverte !
Quelle autrice es-tu ? Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour Aurélie et bonjour à tous les lecteurs de ton blog. J’ai un peu plus de quarante ans (interdit de compter au-delà), je suis la maman d’un ado extraordinaire, compagne d’un loup auteur à l’imagination sans borne et demi-maman d’un louveteau plein d’énergie. J’ai embrassé le métier de policier alors que j’avais 19 ans et, depuis, j’ai exercé plusieurs métiers au sein de mon administration. Voie publique, enquête, formation, communication et bientôt un nouvel horizon. Je suis une grande lectrice depuis que j’ai compris que les lettres formaient des mots. Ma bibliothèque est pleine de genres très différents même si la littérature noire y est majoritaire. J’aime la nature et j’aime à m’y perdre au cours de randonnées. Je suis une rêveuse, une passionnée et je pense avoir su garder l’émerveillement de mon âme d’enfant.
Quelle autrice suis-je ? Question difficile puisque je peine encore à me considérer comme telle. Je pense que nous sommes nombreuses et nombreux à avoir du mal à endosser ce statut au départ. Avec seulement deux romans, je me considère comme une débutante qui a beaucoup de choses à apprendre. Néanmoins, j’ai aussi beaucoup de choses à dire alors, pour répondre à ta question, je me définirai comme une apprentie autrice qui, au travers de ses histoires, souhaite attirer l’attention sur certains faits de société.
Quelle autrice es-tu ? Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Mon premier livre, un document sur les adolescentes violentes, a été publié en 1999. J’ai depuis écrit d’autres documents, une biographie d’Hemingway à 20 ans, et des romans. « Vue Mer » est mon premier « noir », mais mon parcours comme journaliste fait-diversière pendant des années me menait logiquement à m’intéresser à ce qu’il y a de plus sombre dans la nature humaine.
A part ça, je lis beaucoup, rêvasse encore plus et vit d’un régime très déconseillé de bonbons Haribo et de Coca !
Pourquoi avoir basculé du côté obscur de la littérature ?
Bonne question. Je pense que le fait d’évoluer dans cet univers depuis quelques années a entraîné cette orientation. Pour autant, je ne m’interdis rien. Mon style n’est ni blanc, ni noir. Ensuite, la littérature noire permet de créer des intrigues et des histoires autour des messages que nous souhaitons passer et de nos questionnements. J’imagine que je flirterai encore avec le gris à l’avenir mais il n’est pas impossible qu’un jour ma plume se teinte d’une couleur plus précise. Laquelle ? Je ne le sais pas encore.
Pourquoi avoir basculé du côté obscur de la littérature ?
J’avais envie depuis un moment d’écrire du noir, mais redoutais de ne pas être au niveau. La littérature de genre, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, est ce qu’il y a de plus dur à réussir. Une bonne romance, un bon feel-good, un thriller réussi demandent énormément de travail et de sincérité dans ce qu’on fait. Les lecteurs qui se consacrent à un certain genre sont très exigeants, on ne peut pas les tromper. Je crois que j’attendais donc sagement d’être prête à relever le défi !
« Vue Mer » s’est imposé dans cette veine quand le roman a commencé à se construire autour de Laurette, son personnage principal. Odieuse, amorale, cash… Je voulais qu’elle ose tout ce qu’on n’ose pas. Et elle ne m’a pas déçue !
Comment tes intrigues s’immiscent-elles dans ton imaginaire ? Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Ma source d’inspiration, c’est le monde qui m’entoure. Je regarde, j’observe, j’écoute… Pour « Héloïse », c’est elle qui a choisi sa vie. Je me suis laissée guider par mon personnage. Pour « Suspicion(s) », l’idée m’est venue en regardant un journal télévisé. Pour le troisième, c’est le sujet qui m’a appelé et pour le quatrième, c’est Xavier Massé, mon compagnon, qui m’en a donné l’idée. Comme tu peux le voir, il n’y a pas de règle, ni de schéma précis. Je marche à l’instinct comme pour beaucoup de choses dans ma vie.
Comment tes intrigues s’immiscent-elles dans ton imaginaire ? Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Je passe beaucoup de temps à me raconter des histoires, comme les enfants. « On dirait que… » et puis, ça suit. Parfois, l’histoire est courte, après quelques jours il n’y a plus rien à en tirer. À d’autres, elle s’installe, s’étoffe et m’envahit pendant des mois avant que je me mette derrière mon écran.
Tout m’inspire ! Aussi bien les philosophes de l’Antiquité qu’un épisode de Mariés au premier regard. Tout ce qui titille ma curiosité me nourrit d’une manière ou d’une autre.
Peux-tu nous pitcher “Suspicion(s)” ?
« Suspicion(s) » démarre comme un divorce banal. Hugo quitte le domicile familial pour les bras de Marie, sa maîtresse, laissant ainsi Aaron, son fils de dix ans, et sa femme, Rachel. Chaque personnage relate sa peine, sa douleur, sa colère… En parallèle, Nathalie, qui est enquêtrice en brigade des mineurs, est envoyée sur une découverte de cadavre. Ce sont quatre voix qui veulent toutes se faire entendre, qui veulent toutes compter. Chacune d’entre elle exprime ses émotions.
J’ai voulu, à travers de ce roman, lever le voile sur des victimes dont on parle peu et rappeler aux parents et aux couples que nous avons des devoirs envers nos enfants avant d’avoir des droits ; mais également parler du métier d’enquêteur à la brigade des mineurs et de la douloureuse mais nécessaire priorisation des dossiers et donc des victimes. C’est un univers peu connu du grand public. En dehors du film « Polisse », ce n’est pas le genre d’unité qui est mise en avant.
Peux-tu nous pitcher “Vue mer” ?
Une île. Une belle maison de maître. Des femmes. Un fils… La Méditerranée, les mensonges, le silence, la cruauté… Qui est coupable et qui ne l’est pas ? Peut-on être les deux ?
Un roman qui accorde une grande place à la femme, aux femmes… Mais sous un prisme plutôt inédit : D’où t’es venue cette idée ?
C’est drôle parce que je n’avais pas ce sentiment. Ce n’était pas une volonté. J’ai choisi le personnage de Nathalie pour rendre hommage à mon binôme de l’époque, quand j’exerçais aux mineurs. Il ne faut pas y voir un message féministe ou autre. Ce n’est pas quelque chose de calculé. Quant aux autres femmes, c’est davantage lié à l’histoire que je voulais raconter. C’était plus nécessaire que volontaire.
Un roman qui accorde une grande place à la femme, aux femmes… Mais sous un prisme plutôt inédit : D’où t’es venue cette idée ?
Sincèrement, je ne sais pas. J’avais envie de camper des caractères plutôt que des âges ou des sexes, mais ce sont les femmes, je crois, que je connais le mieux, pour en être une ! Elles se sont imposées une à une, avec leur vie, leurs tristesses, leurs amours, leurs peurs, leurs rêves, leurs désirs…
Un roman dans lequel tu sembles aborder une certaine forme d’emprise… Qu’en est-il ?
Effectivement, j’y aborde un thème que je n’avais jamais lu en littérature noire : l’aliénation parentale. Ce mécanisme d’influence de l’un ou l’autre parent dans le but de dévaloriser l’autre, voire rejeter l’autre. Mais c’est difficile d’en dire plus sans déflorer le roman et son intrigue. Je veux que les lecteurs gardent des doutes 😉
Un roman dans lequel tu sembles aborder une certaine forme d’emprise… Qu’en est-il ?
C’est une bonne question, car ce n’est pas un thème que j’ai souhaité consciemment aborder. Mais oui, on est toujours un peu sous l’emprise d’une famille, d’une morale, de principes, d’une société…
Autrice et Louve du Polar : Pourquoi avoir rejoint ce collectif solidaire ?
Quand Céline Denjean m’a contacté pour la vidéo de lancement, j’ai trouvé l’idée géniale. Je ne suis jamais la dernière pour faire des trucs un peu dingues. Ensuite, je faisais le même constat que beaucoup d’entre nous, en l’espèce une très grande représentation d’auteurs dans ma bibliothèque mais très peu d’autrices. L’idée d’un collectif composé uniquement de femmes me plaisait d’autant qu’il n’était pas là pour nous mettre en compétition avec nos confrères mais bien d’aider à une plus grande visibilité des auteures françaises. Il y a un véritable esprit de sororité dans le collectif. Nous avons toutes des compétences différentes et nous les mettons en commun pour que toutes puissent en bénéficier. J’ai découvert d’autres plumes, d’autres univers, m’y suis fait de véritables amies. C’est bon de savoir que l’on peut compter les unes sur les autres pour aller toutes dans le même sens.
Autrice et Louve du Polar : Pourquoi avoir rejoint ce collectif solidaire ?
D’abord, j’adore les louves (les animaux !), elles m’ont longtemps fascinée, surtout leur mode éducatif (et puis Rome, Mowgli… Que seraient-ils sans louves ?)
Plus sérieusement, j’ai trouvé la démarche intéressante et bon enfant : en aucun cas il ne s’agissait d’exister en exterminant les auteurs hommes. Et dans la mouvance actuelle d’une certaine forme de féminisme radicale, c’était rafraîchissant !
Le collectif m’a permis de découvrir de sacrées autrices que je n’aurais peut-être pas lu autrement, et rien que pour ça, j’en suis très reconnaissante à leurs fondatrices !
Comment expliques-tu ce manque de visibilité pour les autrices de littérature noire dont le talent n’est pourtant plus à démontrer ?
Je ne l’explique pas. Je pense que ce sont des choix commerciaux qui nous échappent et c’est une question qu’il faudrait poser aux autres acteurs de la chaîne du livre.
Comment expliques-tu ce manque de visibilité pour les autrices de littérature noire dont le talent n’est pourtant plus à démontrer ?
Sincèrement, je ne sais pas. Les éditeurs sont souvent des éditrices, les auteurs sont aussi bien souvent des femmes… Les lectrices seraient-elles plus frileuses à l’idée de lire des polars écrits par des mains féminines ?
Depuis son lancement le 07 septembre 2022, quelles avancées ce collectif a-t-il permis ? Quelles sont les actions à venir ?
J’ai le sentiment que nous avons gagné en visibilité même si nous sommes encore loin d’être présentes partout. L’opération vitrine des louves a permis de nous faire davantage connaître auprès des libraires indépendants, celle menée en partenariat avec les Quais du Polar a permis de faire découvrir un peu plus le collectif, les partenariats avec les chaînes Cultura et Maison de la Presse ont également mis en lumière les plumes féminines francophones. Ce sont de très belles actions menées notamment grâce à l’énergie des fondatrices. Pour les opérations à venir, je ne peux rien dire pour le moment, il est encore trop tôt, mais je ne manquerai pas de le faire savoir via notre compte Instagram, que j’anime, et avec l’aide les superbes visuels créés par Chrystel Duchamp. Ce que je peux dire, en revanche, c’est que ce collectif fonctionne grâce à l’énergie de chacune d’entre nous, nos partages et notre solidarité.
Depuis son lancement le 07 septembre 2022, quelles avancées ce collectif a-t-il permis ? Quelles sont les actions à venir ?
Il a permis une meilleure visibilité des autrices, grâce à des collaborations avec Cultura, BePolar ou le groupe Maison de la presse, et grâce aux soutiens des libraires.
Pour les actions à venir, il vaut mieux poser la question aux cheffes de meute, elles sont toujours pleines de (bonnes) surprises !
Quels sont désormais tes projets littéraires et où pourrons-nous prochainement te rencontrer ?
Je suis dans l’écriture du troisième, un roman qui sera très différent de mes précédents, mon cher et tendre m’a soufflé une idée pour le quatrième et j’ai donc beaucoup de pain sur la planche ! Je suis également sur une nouvelle pour un projet caritatif portée par Jodie Quoyelo, autrice indépendante.
Pour les rencontres, je serai les 13 et 14 mai à Berck-sur-mer, le 20 mai aux Forges Obscures à Trith-Saint-Léger, les 27 et 28 mai à l’Escargot Noir de Sens, le 04 juin à Montargis et les 21 et 22 à Noir Vézère au Bugue.
Quels sont désormais tes projets littéraires et où pourrons-nous prochainement te rencontrer ?
Je viens de rendre mon prochain roman à mes éditrices chez Marabout, toujours dans la collection BlackLab. Et je travaille au suivant.
Je participerai aux Nocturnes Littéraires cet été (le 02 août à Saint-Tropez, le 03 à Cassis, le 04 à Salon de Provence), au Salon du livre de Hyères et au Salon dédié au polar organisé à Cavalaire. Puis en octobre à celui de Royat-Chamalières. Côté librairie, je serai au Mille Paresses, au Pradet (83) le 20 mai.
Un immense merci à ces deux formidables Louves dont je suis ravie d’avoir (re)découvert la plume à l’occasion du mois de l’Ultra Noir organisé par le site BePolar ! A présent je vous invite à vous ruer en librairie si vous n’avez pas encore lu les titres de ces talentueuses autrices : “Héloïse“, “Suspicion[s]” et “Vue mer” n’attendent plus que vous !